Un forum sur la theileriose bovine dans les Doukkala (Maroc).

 last update: 2006-05-22.

Vos questions et remarques


20-05-2006 Q 20

On sait toujours qu'il faut prévenir que guérir et puisque on sait que le protozoaire pour infecter une vache il faut un hote intermédiaire: Hyaloma detritum. Alors je me demande est-ce qu'il ya un programme de vulgarisation des éleveurs (national) et qu'est ce qu'il comporte (jziedj@yahoo.fr)

Réponse:

Les éleveurs utilisent maintenant assez couramment des produits anti-tiques de toutes sortes, adaptés ou non à la médecine vétérinaire. Il y a parfois des intoxications, mais elles restent rares. Aucune action de l'Etat n'existe depuis de nombreuses années concernant la formation et l'organisation des éleveurs, ni contre la theileriose, ni dans aucun domaine. Ce sont les vétérinaires privés et les éleveurs eux-mêmes, informellement, qui font avancer la prophylaxie anti-tiques.

Mais la theileriose, en zone enzootique est plus une question de rapport hôte-parasite, qu'une question d'inoculation.

Même si vous traitez les tiques une fois par semaine, il y aura piqure et inoculation. Si l'immunité est nulle ou faible, il y aura theileriose-maladie.

Si vous traitez très très souvent les tiques, vous empêchez un effet semblable à un "rappel vaccinal" qu'elles provoquent. Donc votre population sera plus sensible. Donc la theileriose-maladie sera plus fréquente, le contraire de l'effet recherché. Car il y aura toujours des inoculations. On ne peut pas éradiquer une tique ubiquiste.

La meilleure gestion de la theileriose maladie en zone enzootique est l'observation précoce des symptômes et le traitement à la buparvaquone, maintenant très disponible.

Réaction à la réponse :

Ce n'est pas tout à fait vrai ce que vous avancez car même si c'est une tique ubiquiste, il y a d'autres moyens pour éliminer les gites de ce parasite et ce moyen est simple, il consiste à réaliser un crépissage de l'ensemble des surfaces des murs de l'étable. Le seul inconvinient : ce n'est pas donné pour tous les éleveurs. Egalement, vous parler de maintenir une situation d'enzootie dans l'élevage, ceci peut se réaliser par la vaccination des animaux par un vaccin vivant qui offre 2 années d'immunité.

Le fait de vous parler de vulgarisation c' est simplement parceque on a un grand problème de résistance à la buparvaquone.

Enfin on sait que la tique vecteur est Hyalomma detritum. Connaisez vous d'autres espèces soupçonnées de transmettre la theilériose tropicale ?

Réponse :

1. Prophylaxie par crépissage : Oui, ou par "cimentage" (mertoub). C'est un petit investissement, mais il n'est pas toujours ressenti comme prioritaire. Avant cela, il faudrait recouvrir le sol, bâtir un toit, faire une mangeoire, ou simplement mettre des crochets fixes dans le mur pour la contention (dans 30 % des étables, les animaux continuent à être attachés par un piquet de fer planté dans le sol).

Ensuite, dans les Doukkala, 95 % du cheptel sort autour de l'exploitation (10 %) ou dans les champs (85 %). L'infestation se fera là-bas, même si l'étable est protégée.

2. La vaccination ne marchera pas dans la structure actuelle de l'élevage dans les Doukkala. (Je l'avais dit dès 1995, et vous voyez que les projets n'ont pas abouti) Car :

2.1. La vaccination devrait se faire en hiver, au moment où les éleveurs n'ont pas de trésorerie et où ils ne pensent pas à la maladie.

2.2. La theilériose se présente souvent comme une maladie liée à des souches très locales (maladie au sein du même village après changement d'étable). Le vaccin ne contiendra que des antigènes standards.

2.3. Les vaches pleines sont exclues. Il s'agit justement de la population cible que l'éleveur aimerait vacciner.

2.4. En hiver, les veaux de 6 mois, qui vont faire la maladie en été, ne sont pas encore nés. Encore une population inaccessible. Même remarque pour les animaux achetés (50 % de la population qui fait une theilériose l'été).

2.5. Le prix de la vaccination en Inde était estimé à 2 dollars US en 1990. A ce prix, une étable de 20 bovins reviendrait à 400 DH. Sur cette étable, il y a une chance qu'environ un animal fasse une theileriose clinique l'été (5% d'incidence annuelle sur une population cible en zone enzootique, c'est même surestimé). Ce cas clinique, traité, revient à 400 DH. Donc, aucun avantage économique pour l'éleveur.

2.6. Les frais de manutention et de commercialisation du vaccin sont très importants en regard des micro-exploitaions qui constituent le paysage de l'élevage bovin au Maroc actuellement.

3. Dans ma pratique, quand on trouve des tiques sur un animal en theileriose clinique, il s'agit toujours de H. detricum, reconnaissable par ses pattes bigarrées. Mais une fois sur deux, particulièrement en hiver, on ne trouve aucune tique. Mais on ne peut pas voir les immatures hexapodes, qui ne sont pas aux mêmes endroits que les adultes (parfois, on les trouve dans les oreilles et au niveau du cou).

Les éleveurs pensent parfois que les stomoxes (jaaran) participent aussi à la transmission de la maladie. Mais cela demande des recherches fondamentales.


 16-12-2004 Q 19 Quel est l'impact de cette diminution de l'activité "Butalex" sur le chiffre d'affaire global "grands animaux" ?

R. - Voici le chiffre d'affaire de l'ensemble de l'activité "grands animaux" en 2004 (comparé à la moyenne 2000-2002).

On constate que le C.A. n'est que modérément en recul par rapport aux années de référence.

Ce manque de corrélation avec la courbe de consommation de Butalex peut être expliqué par :

- une intégration dans cette courbe des animaux theilériques non traités au Butalex (par exemple ceux ayant reçu un traitement palliatif en vue de l'abattage). Comme nous l'avons dit, ce chiffre est en augmentation.

- une inflation de l'ensemble des éléments facturés depuis les années 1999-2001, en particulier :

- une certaine diversification de notre offre "grands animaux" et "gestion d'élevage".

- une recrudescence de l'activité de consultation d'expertise (animaux déjà vus par un autre confrère, et non guéris, ou qui se présentent pour confirmation diagnostique). Ceci est un avantage pour les cabinets anciens, qui peut être analysé comme un sous-produit de la multiplication des cabinets. Ce genre d'animaux ne reçoivent que très rarement du Butalex.


 14-12-2004 Q 18 Y a-t-il une diminution de l'activité "theileriose" par rapport aux années précédentes ?

R. - Voici la courbe de consommation de Butalex en 2004. Elle est comparée à la moyenne d'activité 1999-2001 (en bleu), et à celle de 2002 (en orange). L'axe des ordonnées donne la moyesse de consommation journalière, en flacon.

L'année 2003 n'a pu être comparée, à cause du problème d'aaprovisionnement en Butalex, qui a fait adopter des autres protocoles de traitement.

On constate, d'année en année, une nette diminution de l'activité globale theileriose, à mettre sur le compte de:


 08-09-2004 Q 17. Quel est le bilan de la saison 2004 ?

R. - Les chiffres fin août confirment la situation à la fin juillet.

Du 01-05-04 au 07-09-04, nous avons traités environ 400 animaux au Butalex, et refusé 7 cas (1,75 %) pour cause de maladie avancée non curable, et deus cas pour traitement précédent par un autre vétérinaire, avec signes d'intoxication grave, probablement par le Butalex frelaté.

Seize cas traités et diagnostiqués correctement ont malgré tout succombé, dont:

    1. trois cas limites (cas avancés mais présentant un ou plusieurs paramètres restant favorables).
    2. treize cas avec malignité inexpliquée (dont deux cas traités deux fois), qui peuvent être également des erreurs de diagnostic ou dûs à des maladies intercurrentes.

La léthalité totale (cas avancés non traités + échecs thérapeutiques): est donc de 5,9 % des cas diagnostiqués.

Le taux de réussite du traitement:

Le nombre de cas ayant nécessité un second traitement au Butalex, cinq à dix jours plus tard: 8 (2,0 %), dont deus sont morts et six seraient guéris. Ces cas malins sont proportionnellement plus fréquents en juin qu'en juillet, et sont très rares en août. Rappelons que si le diagnostic de theilériose n'est pas infirmé par des nouveaux éléments symptomatiques, nous ne renouvelons pas le Butalex dans les cinq premiers jours, même en cas de persistance de la fièvre. En effet dans plusieurs cas, la guérison n'intervient qu'au cinquième, sixième jour suivant le traitement unique.

Voici les chiffres d'un autre cabinet, installé en cours de saison:

Voici les chiffres d'un troisième cabinet (troisième année d'activité):


 27-08-2004 Q 16. Quel est le tableau clinique de l'intoxication supposée par le Butalex frelaté ?

R. - La réponse se base sur 5 cas examinés personnellement, 3 cas examinés par des confrères collaborateurs, et une douzaine de rapports anamnétiques.

Les cas supposés traités par des produits frelatés l'ont été par 9 vétérinaires différents et par un profane s'approvisionnant dans une pharmacie.

Il y a eu une aggravation brutale de l'état général dès le lendemain du traitement. Un cas, qui présentait pourtant une forme récente de theileriose, est mort à ce stade. Deux autres cas sont morts au 3e jour.

Plusieurs cas ont fait l'objet d'un appel à un second vétérinaire de notre réseau d'observation le 3e jour suivant le traitement. Les animaux examinés alors avaient un état général nettement détérioré, beaucoup plus qu'on ne s'y attendait à l'examen de l'anémie. En effet, les muqueuses étaient plus pâles que la normale, mais non blanches. Ceci correspond à un hématocrite de 30 à 35.

Les signes cardiaques étaient très graves, mais différents de ceux des stades avancés de la theileriose.

Theileriose avancée

Theileriose récente + intoxication supposée par le Butalex frelaté

muqueuses blanches

muqueuses pâles mais toujours roses.

hypothermie (< 38°C)

hypothermie ou normothermie.

Battements cardiaques très audibles, masquant le bruit respiratoire, évoluant vers un dédoublement du premier bruit, puis vers le gallop cardiaque (gradation des signes d'insuffisance cardiaque dûs à l'anémie).

bruits cardiaques peu audibles à gauche.

Test de la compression jugulaire normale, mais pouls rétrograde.

Test de la compression jugulaire positive (stase jugulaire).

relevé difficile ou décubitus.

relevé difficile ou décubitus.

pétéchies oculaires possibles (forme sévère d'évolution courte).

pétéchies oculaires possibles.

 

Ces signes pourraient être attribués à une dégénérescence hépatique toxique, avec stase veineuse générallisée.

Néanmoins, de tels signes, - attribués à une atteinte hépatique sévère theilérique, ou une maladie cardiaque mal identifiée -, étaient parfois observés les autres années, en dehors de suspicion d'usage de produits frelatés. C'est leur fréquence inhabituelle cette année, et précisément de 1 à 3 jours après l'intervention d'un autre vétérinaire, avec une facturation correspondant à l'usage du Butalex, qui est troublante. Autre différence: l'évolution rapidement fatale: 2 à 5 jours dans les cas de cette année, 10 à 15 jours dans le "syndrome cardio-hépatique malin" des années précédentes.

La suspicion d'intoxication par le Butalex frelaté a été faite surtout en début de campagne (juin), précisément après le passage des vendeurs de produits de contrebande, et ensuite en fin de campagne (fin août). Il est probable que les vétérinaires ayant acheté les produits de contrebande ont hésité à se réapprovisionner en Butalex légal en fin de campagne, et ont écoulé les stocks frelatés, par cupidité.

Autre élément: la rumeur largement répandue parmi les éleveurs d'une mortalité pa "bousfir" assez élevée cette année. Or la référence la plus récente est l'année 2003, où il y avait eu un manque de Butalex, qui avait causé des mortalités (uniquement les animaux médicalisés, mal traités) estimées à 100 à 200 pour l'ensemble des Doukkala.


 29-07-2004 Q 15. (un vétérinaire d'industrie, sous couvert de l'anonymat) - Quel devrait être le "fair price" d'une buparvaquone générique ?

R. -Pour préserver les intérêts de l'ensemble des intervenants (dont la rentabilité saine des cabinets vétérinaires), les buparvaquones génériques annoncées en 2005 ne devraient pas être commercialisées, dans un premier temps, à moins de 75 % du prix 2004 du Butalex (toutes choses étant égales par ailleurs). Le bradage du traitement dès la première année serait préjudiciable à tous.


 29-07-2004 Q 14. (un observateur indépendant, non vétérinaire) - Il semble que la mortalité globale cette année soit très élevée, même plus que l'an passé où le Butalex faisait défaut.

R. - Depuis le 01-06, nous avons diagnostiqué environ 300 cas, dont:

  1. Sept cas avancés, ayant mené à l'abstention thérapeutique.
  2. Douze cas traités correctement et ayant malgré tout succombé, dont:
    1. trois cas limites (cas avancés mais présentant un ou plusieurs paramètres restant favorables).
    2. neuf cas avec malignité inexpliquée (dont deux cas traités deux fois).

La léthalité totale des cas diagnostiqués est donc 07 %

Le taux de réussite du traitement (par rapport aux mortalités rapportées): 96 %.

Le taux de réussite du traitement (en tenant compte d'un même nombre additionnel de mortalités non rapportées): 92 %.

Le nombre de cas malins est proportionnellement plus important en juin qu'en juillet.

Ces chiffres sont en phase avec les observations des années précédentes.

S'il y a une mortalités anormales, on doit à nouveau suspecter l'utilisation de produits frelatés


 29-07-2004 Q 13. (Un vétérinaire privé, sous couvert de l'anonymat) - Ne devrait-on pas augmenter tous ensemble les factures des prestations contre la theileriose, étant donné que c' est la seule maladie qui nous procure un revenu conséquent, pendant un ou deux mois, sur lequel il faut vivre le reste de l'année ?

R. Votre question appelle des réponses de plusieurs ordres:

  1. Le secteur bovin est un secteur très peu rentable, où les propriétaires d'animaux subissent de nombreuses contraintes (renchérissement des aliments les années de sécheresse, surcoût des animaux d'élevage achetés pour repeuplement les années d'abondance, absence de structures de défense professionnelle qui permettraient de mieux négocier le coût des intrants comme les sous-produits de leur propre production de betterave, etc.). Leur faire subir de nouveaux surcoûts pour enrichir indûment les vétérinaires me semble un tant soit peu immoral.
  2. Les principes de base de la libre concurrence interdisent justement les accords tacites sur les prix entre les intervenants. Même la loi sur la tarification des actes vétérinaire vient d'être abrogée. De toutes façons, le nombre de cabinets actuellement en fonctionnement dans la région (plus de 40) rendrait caduque tout accord entre un nombre, forcément limité, d'intervenants.
  3. Le traitement d'une maladie aisément identifiable comme la theileriose n'est plus l'apanage des seuls cabinets vétérinaires. Des régions entières pratiquent déjà l'auto-médication (par exemple les Bni-Khlif). De plus, la plupart des pharmaciens (plus de 50 officines) ont connaissance de l'entité, vendent les produits vétérinaires au détail, et certains envoient même des garçons de course effectuer les injections dans les fermes. Si le vétérinaire veut garder une part de ce marché, il doit être concurrentiel par rapport à ces autres circuits. Pour ce faire, il doit impérativement:
    1. Reconnaître les cas de non-theileriose au milieu de la série theileriose. Les profanes traiteront toutes les fièvres d'été comme theileriose, et échoueront en cas de réticulite traumatique, pneumonies ou autres coryza gangréneux.
    2. Ne pas traiter les animaux à un stade avancé de la maladie. Les non-professionnels le feront et provoqueront la mort de l'animal.
    3. S'en tenir à une médication la plus étiologique possible, pour limiter la facture au(x) seul(s) produit(s) indispensable(s).
    4. Rester modéré en matière de frais de déplacement et honoraires.
    5. Profiter de tout échec thérapeutique d'un profane, pour encourager le propriétaire à se faire rembourser l'animal mort par le thérapeuthe illégal, sous peine d'une action en justice pour exercice illégal de la médecine vétérinaire, qui peut conduire à un emprisonnement immédiat.


 15-07-2004 Q 12. (Dr Marsil, IPV). Y a-t-il eu des arrivées de médicaments de contrebande ces derniers temps ?

R. - Oui, il s'agit de petits vendeurs (20-25 ans) qui affirment venir de Nador. Ils se présentent avec les médicaments de contrebande dans un sachet de plastique ordinaire. Le Butalex, avec emballage en carton (ce qui n'existait pas en 2003) est proposé a 750 DH et la transaction peut se faire à 650 DH. Le "grossiste" amène les petits vendeurs dans la région, avec une Mercedes, mais il ne se rend pas dans les cabinets.

Depuis le 10-07-04 (cette année, la haute saison n'a véritablement débuté qu'au 1-7), on a des échos d'échecs thérapeutiques inexplicables (cas récents, mort rapide après injection) chez des animaus traités dans sept clientèles voisines ou par des produits achetés directement dans une officine (observations cumulées de trois confrères). Il pourrait s'agir de l'utilisation d'un produit frelaté, ayant des effets toxiques ou allergisants (observation d'œdème générallisé). Sur la même période (1 au 15 juillet), avec le produit légal, nous avons un taux de réussite de 90 à 95 %, en utilisant une dose standard de 1 ml par 25 kg (80% de la dose recommandée par le fabriquant).

Dr Marsil - Cela correspond à nos informations. Le produit de contrebande ne vient plus d'Algérie. L'importation en Algérie se fait maintenant par un privé, qui a uniformisé le prix de cession avec celui du Maroc, en transformant la différence de frais de douanes en marge bénéficiaire.

Il devrait s'agir de produits entièrement frelatés, dont l'emballage a été fabriqué en Espagne par des contrefacteurs professionnels. Ce qui explique que tout le flaconnage est parfaitement conforme au produit marocain.

R. - C'est une très bonne chose pour les vétérinaires qui n'utilisent aucun produit de contrebande. Ils regagneront des clients insatisfaits des cabinets qui trichent. C'est ça l'autorégulation.


07-05-2004 Q 11. (Dr Marsil, IPV). En ce qui concerne les prévisions en Butalex pour 2004, l'administration nous pousse à stocker, mais des bruits courent de l'approvisionnement des cabinets par des produits de contrebande. Qu'en est-il réellement ?

R. - (Remarquez que toutes les informations sont au conditionnel). Les "appels d'offre" vers les milieux de la contrebande au départ d'Oujda auraient commencé lors de la crise de juillet 2003. Ils auraient en partie été satisfaits en septembre 2003. Le produit de contrebande, déjà présent en mars 2003, aurait été du même lot que le produit local, mais il aurait été présenté sans carton-emballage. Actuellement, l'approvisionnement se poursuivrait; le produit serait proposé à un prix de 650 DH, mais déclaré "négociable".

Les services dont la vocation est de contrôler ces activités commerciales non soumises à l'impôt peuvent s'infiltrer aisément dans les circuits de commande. Ils peuvent également acheter le produit dans les cabinets, en se présentant comme des gros éleveurs, et vérifer à posteriori sa provenance. Toute attitude "bêtement répressive" (perquisition dans les cabinets, etc.) est vouée à l'échec, les vétérinaires s'approvisionnant illégalement ayant l'intelligence de ne pas laisser des produits non traçables dans leur cabinets. En plus, le monde véto est petit et solidaire, et les fuites sont inévitables. Les visites d'agents répresseurs seront connues d'avance, ou en tout état de cause, l'alerte sera donnée dès la visite du premier cabinet.

L'Etat peut également agir en amont, à Oujda. Encore faut-il que les circuits ne soient pas aux mains d'intouchables, que les contrôleurs soient intègres, ou alors, il faut contrôler les contrôleurs, puis contrôler les contrôleurs des contrôleurs...

La contrebande ne disparaît entre deux pays voisins que quand les législations et pratiques commerciales sont semblables, et que les marchandises et les personnes voyagent sans contrainte.


22-09-03 Q 10. (Dr Soleih, Bou Hmam). Une notice d'un médicament mis sur le marché en 2002 peut elle contenir la phrase "80 % de réussite en cas de traitement précoce" ?

Dr Mahin (Sidi Smaïl): Je vais rencontrer prochainement un de mes amis qui était chargé des essais cliniques des médicaments vétérinaires chez Pfizer Belgique, et qui vient de créer sa propre société de consulting pour lui poser ce problème.


12-09-03 Q 9. Y a-t-il une responsabilité juridique dans les pertes économiques subies, et qui devrait indemniser les propriétaires qui ont perdu des animaux ?

Dr Marsile (IPV): Il faut réfléchir au cas du dossier d'homologation qui est passé avec des indications qui n'ont certainement pas fait l'objet d'essais cliniques conduits avec la rigueur voulue. Il y a aussi des actions de "cuisine interne" qui devraient être intentées au niveau de l'Ordre vétérinaire.

Dr Mahin (Sidi Smaïl): d'un point de vue "économie libérale", si les agriculteurs lésés disposaient d'organes représentatifs réels, ce serait à ces groupements de défense d'attaquer la société qui a diffusé une publicité mensongère, leurrant les praticiens vétérinaires.

Le fait de placer la theileriose en tête des indications et de focaliser le marketing sur cette maladie, au moins dans les Doukkala, peut être considéré comme une tromperie commerciale.

Le dossier devrait comprendre, pour chaque animal perdu, un rapport médical précisant

  1. le diagnostic vétérinaire (theileriose bovine).
  2. l'état précoce de la maladie (fièvre, absence d'anémie ou d'ictère).
  3. la mise en place d'un traitement avec le Veriben ® aux doses indiquées par le fabricant pour la theileriose,
  4. la constatation de la mort.

L'ensemble des dossiers devrait être traité par le même avocat, spécialisé en affaires commerciales. Le juge chargé du dossier devra se prononcer sur la question suivante: le fait de mettre sur une notice "80 % de réussite en cas de traitement précoce" (ce qui revient à admettre la quasi inefficacité du produit pour son usage généralisé) protège-t-il le vendeur contre une action en dommage et intérêts ? Son jugement pourrait faire jurisprudence, et être intégré dans les nouvelles législations concernant la publicité mensongère.


11-09-03 Q 8. (Dr Soleih, Bou Hmam). Quel est le profil clinique des cas de theileriose diagnostiqués en septembre ?

Dr Mahin : La chute à pic du nombre de cas à partir de la dernière semaine d'août est classique. Au point de vue vulgarisation, on peut utiliser cet argument pour expliquer aux éleveurs que ce n'est pas le soleil en lui-même qui cause la theileriose (une croyance très ancrée). Le soleil de fin août début septembre est au moins aussi chaud qu'en mai-juin, alors que les cas de maladie sont très rares fin août et en septembre.

Sur une dizaine de cas diagnostiqués en septembre, ce qui est remarquable est la quasi absence d'hypertrophie ganglionnaire nette; d'où un diagnostic différentiel plus difficile avec des autres maladies hyperthermisantes, qui refont leur apparition en septembre (pneumonies, etc.).

Dr Soleih: J'ai fait la même observation.


25-08-03 Q 7. A combien estimez-vous le nombre d'animaux morts, a cause d'un traitement inadéquat à base de Veriben ?

Sur une base (peut-être sous-estimée) de 5 à 10 cas par praticien, et environ 25 praticiens sur le périmètre où la theileriose est la dominante pathologique de l'été, on peut considérer le nombre de léthalités à 200 animaux. Les animaux morts étaient principalement des vaches adultes de bon niveau génétique, d'une valeur moyenne de 10.000 DH.

La mortalité ne constitue que le sommet de l'iceberg. Les pertes économiques pour le secteur de l'élevage (le plus touché dans l'aventure) proviennent:

- de l'augmentation du coût moyen de traitement (des animaux guéris) : traitements répétés, inflation du prix de la thérapeutique.

- retards de croissance et perte de lait d'animaux traités avec des produits moins efficaces que le Butalex®.

Le secteur vétérinaire et l'industrie pharmaceutique vétérinaire dans leur ensemble n'ont pas subi de pertes économiques sensibles pour l'année en cours, mais bien un préjudice moral (conditions de travail stressantes, perte de la confiance des éleveurs). Néanmoins, la vulgarisation des types de traitements qui a suivi la rupture de Butalex laisse augurer d'une augmentation de l'automédication à partir de la campagne 2004, avec un manque à gagner au niveau des honoraires des praticiens.

Il faut ensuite réfléchir aux pertes subies par le secteur laitier: le recours massif aux tétracyclines pendant l'été 2003 a dû rendre inapte à la commercialisation de grandes quantités de lait collecté. Il est vrai que ce secteur (contrôle des résidus dans le lait) est encore très rudimentaire dans les Doukkala.


12-07-03 Q 6. (Dr Soleih, Bou Hmam) Plus la saison avance, plus il devient évident que le diminazène ne peut contrôler que 20 à 30 % des cas, ce qui le place très en retrait dans l'arsenal thérapeuthique, peut-être même derrière les tétracyclines. Comment expliquer l'information de la société qui commercialise le produit, qui place l'indication theileria même avant l'indication "Babesia", et qui clame "médicament testé chez vous" ?

R. - C'est toute une histoire, hélas pas très belle à raconter.

Sous la pression d'un groupe de vétérinaires des Doukkala, qui étaient en querelle avec la société qui commercialise le Butalex ®, la société CEVA a "sorti de ses cartons" l'indication "Theileria annulata" qui se trouve dans la notice du Berenil ® (le premier produit à base de diminazène). Il faut savoir que cette notice date de 1947, à une époque où les exigences des dossiers d'homologation étaient très inférieures à ce qu'elles sont actuellement.

Un protocole d'essai terrain à été organisé dans les Doukkala. Il a les défauts suivants:

  1. Les vétérinaires expérimentateurs ont été choisis parmi les plus jeunes installés. Aucun des anciens vétérinaires ayant effectués des recherches sur la maladie (au moins 5 personnes) n'a mené une expérience terrain.
  2. Une partie des essais a été effectuée dans une une zone à la limite des Doukkala (Jmaa Mtal), où l'étiologie "Babesiose" pourrait être présente en plus grande fréquence. Les diagnostics sanguins sur les cas traités n'ont pas été effectués. Or le diminazène est un très bon produit contre la babesiose. Il pourrait donc s'agir là de "faux résultats positifs". Une partie des essais, qui dévoilaient des résultats défavorables au diminazène, ont tout simplement été passés sous silence.
  3. L'essai a été réalisé en septembre, une saison où les cas sont en général plus bénins, à cause de l'installation d'une immunité due aux inoculations par la tique pendant tout l'été. De plus, à cette saison, les propriétaires sont très sensibles à la gravité de la maladie, et ont une trésorerie bien remplie pour se permettre de traiter même les cas débutants.
  4. La partie académique ayant cautionné les expériences n'a pas été choisie pour sa compétence en matière de theileriose bovine. Or nous avons une spécialiste internationale sur place en la personne du Pr Malika Kachani.
  5. La séance de présentation du produit à la profession a été "noyautée" par le groupe de vétérinaires dont question plus haut, sans inviter des confrères (dont moi-même) ordinairement très critiques envers les protocoles d'essais "terrrain" mal concus.

Il devient de plus en plus évident que la société qui commercialise le Veriben a été mue uniquement par l'intérêt commercial (mal compris), en négligeant l'aspect scientifique, ce qui n'est pas à l'honneur des vétérinaires employés par ladite société.


03-07-03 Q 5. (Dr Nassiri, Kelaa Sraghna) Comment avez-vous géré la pénurie de Butalex de l'été 2003 ?

J'avais eu la chance de pouvoir constituer, au 15 mai, un stock "normal" pour mon activité estivale, n'ayant tenu aucun compte de la publicité pour le Veriben. Au début de la pénurie (15-06), j'ai dépanné des confrères amis avec plus du quart de mon stock. Dès le 25-06, il m'est apparu que la crise serait plus longue que prévu, et j'ai appliqué des mesures drastiques d'épargne du produit:

Ces mesures m'ont permis d'éviter la pénurie absolue et de conserver toujours des doses de produits pour les cas urgents: animaux de haute valeur génétique, animaux gravement atteints (anémie) mais toujours curables (température et fonction cardiaque satisfaisantes). Sur 580 cas enregistrés (et confirmés theileriose, cliniquement), la mortalité totale signalée est de 7 cas (au 8-8-03), dont:

A noter que le suivi de 10 à 20 % des cas enregistrés a probablement été pris en charge par des autres cabinets (après les 2 réapprovisionnements en Butalex). Certains animaux peuvent avoir succombé, sans être signalés.


08-07-03. Q 4. (Dr Mahin au Dr Soleih)

Vous avez utilisé le Veriben ® lors de la période de pénurie de Butalex. Quel sont vos résultats ?

R. J'ai utilisé le Veriben ® sur 27 cas, donst 20 cas seul, et 7 cas en association avec une tétracycline Longue Action (Longicine ®). J'ai un retour d'information sur 17 cas.

Protocole

t° le jour de la 1ère visite

Jour du contrôle (par rapport au traitement)

t° le jour du contrôle

Etat général

1

Veriben seul

41.1 °C

J8

39 °C

guérison

2

Veriben seul

41.1 °C

J9

37°C

ictère (condamné)

3

Veriben seul

41.0 °C

J6

40.5 °C

toujours malade.

4

Veriben seul

41.1 °C

J7

40.8

toujours malade.

5

Veriben seul

41.0 °C

J5

39.5

toujours malade.

6

Veriben seul

40.6 °C

J7

38.5

guérison

7

Veriben seul

40.7 °C

J4

41 °C

toujours malade.

8

Veriben + TLA

?

J10

?

guérison.

9

Veriben seul

40.5 °C

J8

40.0 °C

toujours malade.

10

Veriben + TLA

39.7 °C

J6

39;0 °C

guérison.

11

Veriben seul

41.1 °C

J8

40.5 °C

toujours malade

12

Veriben seul

41.2 °C

J8

39.5 °C

guérison imparfaite.

13

Veriben + TLA

40.5 °C

J5

?

guérison.

14

Veriben seul

40.2 °C

J8

39.2 °C

guérison.

15

Veriben + TLA

40.0 °C

J9

39.6 °C

ictère + pétéchies (condamné).

16

Veriben seul

41.1 °C

J10

39.2 °C

guérison imparfaite.

17

Veriben + TLA

40.1 °C

J11

38.9 °C

guérison imparfaite.

 

Total

Protocole

Nb de cas

Guérison parfaite

Guerison incomplète

Echec (maladie persistante toujours curable)

Echec (stade incurable)

Veriben seul

12

3

2

6

1

Veriben + TLA

5

3

1

0

1

 


21-07-03. Q 3. (Dr Soleih, Bou Hmam) Comment expliquer les cas de mortalité ou d'aggravation le lendemain d'un traitement au Butalex à dose convenable, dans des cas aigus et vus précocement ?

R. - Dans toutes les maladies, il existe des formes suraiguës, qui sont fatales quel que soit le traitement. Ces cas suraigus sont plus fréquents sur des animaux de haute valeur génétique, et introduits nouvellement dans la région, mais ils se rencontrent aussi sur des jeunes animaux nés localement et croisés. J'ai le sentiment que l'ensemble des cas rebelles à la thérapeutique buparvaquone sont plus fréquents en début de saison (avril mai) qu'en milieu et en fin.


20-03-03. Q 2. - (Dr Aissa Saidi) Aprés avoir discuté (avec des enseignants de l' IAVH2) à propos des échecs thérapeutiques dans certains cas de theileriose, ils m'ont ouvert une autre fenêtre qui est l'anaplasmose, et selon l'un d'eux, elle représente un problème majeur en pathologie bovine, là où il ya une population importante de tiques. Le traitement de cette dernière nécessite 3 à 4 fois la dose normale de tetracycline.

R. - Il ne suffit pas que le parasite existe (je l'avais trouvé dans une enquête clinique): il faut qu'il provoque une maladie parasitaire. Il faudrait pour parler d'anaplamose clinique:

Y a-t-il eu de semblables travaux au Maroc ?

Je préfère m'en tenir, pour expliquer les "échecs" (qui ne sont souvent qu'une absence de guérison après une seule injection) à une lutte entre le corps et les theileria, pas toujours à l'avantage du corps; beaucoup de ces "formes résistantes" (encore malades après 48 heures) guérissent sans nouveau traitement après 3 à 5 jours. Les clients étant de plus en plus exigents, ces formes pourraient être classifiées (à tort) comme non dues à la theileriose. Alors que le fabriquant du Butalex ® les mentionne explicitement dans la notice (2ème injection à 48 heures pour les cas résistants).


15-06-03 Q 1. - (Dr Bahaida, Had Oulad Frej) - Que penser du Veriben ® ?

R. - Le Veriben ® est un générique du diminazène, plutôt connu sous le nom de marque original de "Berenil". C' est un bon trypanosicide et babésicide. La notice (datant de 1947) renseigne aussi une activité contre la theileria. Cette affirmation n' est pas basée sur des essais cliniques à grande échelle.

Le médicament ayant été introduit à titre d'essai terrain en 2002, nous avons eu écho des résultats d'un jeune confrère, qui a utilisé le médicaments sur 12 cas, quel que soit le niveau d'atteinte clinique. Un cas et mort, un cas a été guéri, et six cas retraités après 3 à 5 jours avec Butalex ®.

Aucun essai terrain Maroc n'a été cautionné par le Pr Malika Kachani, une spécialiste internationale de la question, qui enseigne pourtant à Rabat.

J'ai utilisé la molécule (sous forme de Berenil) plusieurs années, mais uniquement dans les cas qui demandaient un second traitement de Clexon ® (la parvaquone, qui a précédé la buparvaquone). Mon but était plutôt de lutter contre une atteinte intercurrente de Babesia, en profitant d'une petite activité anti-theileria.

Si le prix du Veriben ® était égal à celui d'un produit schizostatique comme la terramycine, le diminazène pourrait se justifier sur des cas avec résistance naturelle ou acquise contre Theileria. Mais ce n' est pas le cas (prix plus du double d'un traitement de 5 jours avec des tétracyclines).

- (Dr Bahaida, Had Oulad Frej). Effectivement, mes premiers essais cliniques sont décevants.


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 Cas cliniques courants dans ma pratique vétérinaire journalière à Sidi Smaïl (depuis 1989).


 Page réalisée par Lucyin Mahin.