Page du "Tchant des Walons".

Pådje do tchant des Walons.

 dierin rapontiaedje - last update: 2004-09-11.

Voir aussi: version en wallon unifiée uniquement.

Dressêye:

 


Ma version modernisée et en wallon commun. Mi prôpe modêye, metowe a môde d' enute.

Nosse nouve pitite patreye

I.

Nos estans firs di nosse pitite patreye

Ca lådje et long, on dvize di ses efants.

Al fene copete pol nouve tecnolodjeye,

Et pa s' culteure, ele riglatixh ostant.

Nosse tere est ptite mins nos avans l' ritchesse

Di sincieus, di walons scrijheus di rno

Et nos avans des libertés timpesse

Vola pocwè k' dj' estans firs d' esse Walons.

Et nos avans des libertés timpesse

Vola pocwè, vola pocwè k' dj' estans firs d' esse Walons.

 

II.

Di nosse passè cwand c' est k' on waite l' istwere

On s' recrestêye vormint a tchaeke acrin.

Et nosse cour crexhe cwand c' est k' on tuze al glwere

Di nos tayons ki n' avént peu did rén.

A cåze di zels, nos vicans ouy e påye

Emey l' Urope, li pus bea des hagnons.

Cezar nos djha les pus vayants k' i gn åye,

C' est bén po ça k' dj' estans firs d' esse Walons.

Cezar nos djha les pus vayants k' i gn åye,

C' est bén po ça, c' est bén po ça, k' dj' estans firs d' esse Walons.

 

III.

Cåzans walon inte frés del Walonreye

On s' coprind bén mågré tos nos accints.

Nosse bea lingaedje, nos vlans k' on l' respectêye,

Dins totes les scoles k' on l' raprindaxhe alfén.

S' on l' tapa djus dins les tins d' ignorance,

K' i råye asteure si abondroet podbon.

Si nos djåzans fok li lingaedje di France

Gn a pont d' avance di s' co lomer Walons.

Si nos djåzans fok li lingaedje di France

Gn a pont d' avance, gn a pont d' avance di s' co lomer Walons.

 

IV.

Pitit payis, serîz co el berdouye,

Nos vs inmans bén, sins k' nos l' breyénxhe tot hôt.

S' on vs dismeprijhe, nos nd avans l' låme a l' ouy

Et nos sintans nosse cour bate a grands côps

N' åyoz nole sogne et s' rafyîz vos d' vosse fiesse;

Di vos efants, les bresses et l' cour sont bons.

Et nos avans les tchveas mo près del tiesse,

Vola pocwè k' dj' estans firs d' esse Walons.

Et nos avans les tchveas mo près del tiesse,

Vola pocwè, vola pocwè, k' dj' estans firs d' esse Walons.


Lucien Mahin, 15-09-1997, adaptation autorisée par les ayant-droit, titre suggéré par Stéphane Dohet.

Prononciation standard de quelques mots: nouve [noûf], firs [fîr], lådje [lôtch], fene [fènn], copete [copètt], ele [èl], riglatixh [riglatich]

Dans cette version, le thème original est respecté comme canevas pour les couplets 1, 2 et 4, mais adapté à la situation actuelle de la Wallonie (nouvelles technologies). Par contre, le couplet 3 est de conception personnelle. L'accent est mis sur une des richesse culturelle de la Wallonie, sa langue, la nécessité de l'enseigner, et les écrivains qui l' ont illustrée (ceux-ci étaient très rares en 1920, au moment de la création originale).

Adaptation de Lucien Mahin, reprenant des stuctures et du vocabulaire des 4 grandes régions linguistiques de Wallonie, par exemple:

Termes plus fréquents en liégeois: timpesse (en abondance), ouy (aujourd'hui), påye (paix), structure: èt s' rafioz vos (et), emey (parmi), sogne (peur), Walonrèye (Wallonie)

Termes plus fréquents en namurois et Brabant wallon: abondroet (prononcé abondreu ou abondrwèt: droit inaliénable), 2e pers. pluriel ind. prés. en -oz (rafioz vos), tayon (ancêtre), waitî (regarder).

Termes plus fréquents en Province du Luxembourg: dj' estans (nous sommes), acrin (cran, étape), hagnon (bouchée, morceau), nouve, foû, ouy (prononcés noûve, foû, oûy ailleurs), mo (très), tchaeke (chaque).

Termes plus fréquents en Hainaut: fok (seulement), dismèprijî (calomnier), dvizer (parler), berdouye (boue), èndè (en).

D'autre termes courant sont interprétable dans tous les accents du wallon: bea (lu ou bia), scrijheu (lu scrîjeû, scrîheû ou scrîyeû), crexhe (crèhe ou crèche)

On a également intégré des mots modernes: tecnolodjeye, culteure (à la place de: industrèye, årts).


 Traduction littérale

1. Nous sommes fiers de notre petite partie / car, jusque très loin, on parle de ses enfants / Au premier rang pour les nouvelles technologies, / et par sa culture, elle brille tout autant / Notre terroir est petit, mais nous avons la richesse, / des scientifiques, des écrivains wallons de renom. / Et nous avons énormément de libertés / Voilà pourquoi nous sommes fiers d'être Wallons.

2. De notre passé, quand on regarde l'histoire, / on se redresse certainement avec fierté à chaque étape. / Et notre coeur se gonfle quand on pense à la gloire / de nos ancêtres qui n'avaient peur de rien. / Grâce a eux, nous vivons aujourd'hui en paix, / au milieu de l'Europe [comme] le plus beau de ses morceaux. / César nous proclama les plus braves " qu'il n'y aie " / C'est pourquoi nous sommes fiers d'être Wallons.

3. Parlons wallon entre frères de Wallonie ! / On se comprend malgré nos nombreux accents. / Notre belle langue, nous voulons qu'on la respecte, / dans toutes les écoles, qu'on l'enseigne, enfin. / Si elle fut déconsidérée dans les temps d'ignorance [l'ignorance du fait que posséder deux langues donne une facilité à en apprendre d'autres], / qu'elle aie à nouveau, dès maintenant, ses pleins droits. / Si on ne parle que la langue de la France, / il est inutile d'encore se déclarer Wallons.

4. Petit pays, même si tu es en crise, / nous t'aimons, sans devoir le claironner. / Si on te calomnie, nous en avons la larme à l'oeil, / et nous sentons notre coeur battre la chamade. / N'aie crainte et réjouis-toi de ta fête. / De tes enfants, les bras et le coeur sont bons. / Et même si nous sommes un peu susceptibles [litt. nous avons les cheveux très près de la tête], / c'est aussi pour cette raison que nous sommes fiers d'être Wallons.


Versions régiolectales. Modêyes po tchaeke coine del Walonreye

Cassette CR010-Sabam dans plusieurs accents wallons (Production U.R.F.D.L.W. et CRIWE); URFDLW 9, rue du Beau-Mur, Liège, ancien n° tel: 041 41 50 72.

Couplet namurois chanté par José Razador (accent d'Auvelais)

 I.

Nos estans fiérs di nosse pitite patriye

Ca laudje èt lon, on cauze di ses èfants

Au prumî rang, on l' boute po l'industriye,
Et dins les ârts, èle riglatit ostant.

Nosse têre est ptite mins nos avans l' ritchesse,

Des omes savants ki fèynut valu s' nom.

Et l' liberté, por nos, passe divant l' resse

Vola pocwè k' on-z est fiér d' yesse Walons (2 fiyes)

IV.

Pitit payis, vos k' a tant d' grandeûr d'âme

Nos vz inmans bin sins k' nos l' criyanche trop hôt

Cand on v' discauze, aus oûy montnut nos lâmes,

Et nos sintans nosse keûr bate a gros côps.

N' uchîz nin peû; fuchîz tofêr al fiesse;

Di vos èfants, les brès èt l' keûr sont bons.

Et nos avans les tchvias fwârt près del tiesse;

Vola pocwè k' on-z est fiérs d' yesse Walons (2 fiyes).


Version UCW en wallon commun:

Synthèse réalisée par la commission "Normalisation de la langue" de l'UCW. Chaque couplet est réécrit en wallon commun, d'après les versions régiolectales, successivement, est-wallonne, ouest-wallonne, sud-wallonne et centre-wallonne.

Disso li waibe da Stefane Dowet

Churdant [source]: "Quelle planification linguistique pour le wallon ?", Acte du colloque international de Charleroi du 23-3-1996, pp 18-19.

 


Références:

Paroles. : Hillier Louis (+1960)

Musique : Bovy Théophile (+1937)

Déposé par: Hillier Louis

Droits détenus actuellement par : Éditions Herman Brauer, p/a New Music Corporation - Hebra Records, sprl, Rue Saint-Christophe 30, B-1030 Bruxelles (Belgique) (Tel. : 02/512.73.61).

Por vos zè savu co dpus [pour en savoir plus]:

Li tchant des Walons po nos ptits et nos grands scolîs, CRIWE, Liège, 1994

R. Lejeune; Naissance d'un chant et d'un drapeau, divins: "La Wallonie, le pays et les hommes", 1977-1979, p. 481-488.


 Le grand bêtisier à propos du Chant des Wallons.

 

par Emile Sullon, artiste de variétés et écrivain wallon.

 

On en a tellement parlé, on a écrit tant de choses à son sujet que je me demande si quelqu'un sera tenté de lire ces lignes ! J'avoue pourtant que tout ce qui le concerne ne m'a jamais laissé indifférent et je ne cacherai pas le plaisir que j'éprouve d'exprimer ici ce que j'en pense.

Disons d'emblée qu'à de rares exceptions près, les commentaires des lecteurs, des journalistes, des hommes politiques et, en général, de tous ceux qui ont cru bon de donner un avis me semblent dignes de prendre place dans " Le Grand Bêtisier " que voici. Tant pis si je ne fais que l'allonger en rédigeant ces quelques pages mais je vais vous livrer des réflexions qui me sont venues en lisant ou en écoutant ce que d'autres ont déclaré... à propos du Chant des Wallons.

Je le fais comme on dit " de mémoire " car je n'ai pas pris de notes ni collectionné les coupures de presse. Il faut croire que les bêtises ne s'effacent pas de la mémoire comme les pas des amants sur le sable...

Tiens, j'y pense, qu'est-ce que Jacques Prévert pensait de La Marseillaise ? Ça n'a peut-être aucun rapport mais j'entends encore Georges Brassens répondre au journaliste qui lui posait la même question : "  Comme musique, ce n'est pas trop mal, mais les paroles... " Notre Julos Beaucarne déclina l'offre qui lui fut faite de nous écrire un nouvel hymne. Il se tira d'affaire en déclarant qu'il ne se sentait pas très inspiré par la chose.

Mais venons-en aux bêtises lues et entendues. Elles ne datent pas d'hier mais l'assaut véritable remonte à environ deux ans. On apprenait qu'un parlementaire avait eu " l'idée " de traduire en français Li Tchant dès Walons. Ce fut l'occasion d'une première volée de bois vert. Le texte obsolète, pompeux (voire pompier), ridicule, grotesque ne pouvait plus convenir à la Wallonie d'aujourd'hui ! Le virus du chansonnier, dont je n'ai jamais pu me débarrasser, m'avait poussé à écrire alors, sur l'air du Tchant dès Walons, une strophe cruelle où je ne faisais que résumer en vers la prose des lecteurs qui s'exprimaient dans " Le Soir ", jour après jour... Voici ce texte (qui ne fut jamais publié, bien entendu) :

On n'est plus fier de notre Wallonie

Elle est à peine une ombre du passé.

Les pays producteurs qui l'ont bannie

En feront vite un monument classé.

C'est d'Internet qu'il faut chanter la gloire

Et si le clone indique un bon filon

Dans le troupeau ne faisons pas d'histoire :

Allons bêler notre chant des Wallons

Dans le troupeau ne faisons pas d'histoire

Allons bêler mais oui bêlons

Notre chant des Wallons !

Je n'exagérais rien (ou je le faisais à peine). C'est à peu près l'équivalent des critiques formulées et publiées dans la presse. Je suis en droit de penser que je résumais ainsi ce que d'aucuns souhaitaient entendre dans un hymne nouveau destiné à notre région. De toute façon, je n'ai jamais lu une critique quelque peu favorable. C'était plutôt de l'entreprise de démolition où chacun apportait son coup de pioche et le plus étonnant c'est qu'il semblait ne pas y avoir eu de concertation préalable entre les détracteurs.

Mais il faut dire aussi que ceux qui croient utile de donner leur avis spontané sur toutes choses s'excluent ainsi de " la masse silencieuse ". Ils influencent peut-être l'opinion mais rien n'est moins sûr. Les sondages se trompent aussi. Allez savoir ce que pense quelqu'un qui n'aime pas parler ! Faut-il recourir au référendum pour savoir si quelque chose mérite ou ne mérite pas son suffrage approbatif ? En ce qui concerne un chant, on peut s'en passer car on est fixé assez rapidement. Ou bien ce chant devient populaire ou bien on ne le retient pas.

" La Marseillaise " devint vite un succès et rien ne put freiner l'élan qu'elle souleva. Le plus mécréant des Anglais (que je sache) ne se révolte pas en entendant God save the...

Li Tchant dès Walons fut immédiatement connu dans la région de Liège. Il n'y a pas eu à le pousser en avant ni à le promouvoir pour qu'un million de Wallons l'adoptent dès sa création en 1900. Dans la cité ardente, une rue porte le nom de son auteur et une autre celui de son compositeur. Dans toute la province, le public se lève dès qu'il l'entend et, presque toujours, on se met à le chanter en choeur.

Bien sûr, la province de Liège n'est pas toute la Wallonie. Pourtant, je peux affirmer que jadis les harmonies, les fanfares, les musiques militaires jouaient ce chant et que partout, si même on n'en connaissait pas toutes les paroles, il faisait figure de chant officiel.

C'est dans les années cinquante qu'il cessa d'en être ainsi (sauf en région liégeoise où le succès était déjà trop enraciné). Ça s'est passé comme si une invisible main avait mit fin à son essor. Cela répondait-il à un courant naturel ou à une volonté politique ? Je n'en sais rien. Même à Liège, la ferveur wallonne qu'il dégageait ne plaisait plus à tout le monde. Certains y trouvaient-ils le ferment d'une volonté séparatiste ? Etait-ce simplement que les accents un tant soit peu révolutionnaires de sa musique l'aient fait s'apparenter soudain à la Marseillaise. (cet hymne qui était " censuré " chez nous avant 1914) ou à l'Internationale, qui faisait surgir de l'eczéma aux gens " bien pensants ", allez donc savoir ? Toujours est-il qu'il suscitait des réticences alors que, dans ce chant, rien n'incite à la révolte. On y proclame qu'on est Wallon et qu'on entend le rester. Est-ce de la provocation ?

Moi, j'aime bien ce chant et je dirai que j'écarte toute velléité de critiquer le choix qui vient d'être fait de le considérer comme l'hymne de la Wallonie mais je doute cependant qu'en français son succès soit acquis. L'expérience dans ce sens fut souvent tentée et, chaque fois, se solda par un échec. J'ai moi-même écrit un texte qui, à l'époque, reçut l'approbation du Rassemblement Wallon et des ayants droit (car il s'agit d'une oeuvre encore protégée par la société des auteurs). On l'enregistra et on en vendit péniblement quelques centaines de disques, c'est tout ! Il se peut que cette fois la version française soit reçue avec plus d'enthousiasme (la foi soulève des montagnes).

Cette adaptation est celle de Théophile Bovy, l'auteur du texte original wallon, mais force m'est de constater que les mots n'ont pas le même impact dans l'une et l'autre version. L'oeuvre fut pensée en wallon et, traduite, elle perd de sa poésie et même de son sens. C'est curieux mais je dirai qu'en wallon elle n'a pas de rides. Tout paraît avoir été pesé pour résister au temps. Vous en doutez ? Examinons les premiers vers.

En wallon, le chant commence ainsi : Nos èstans fîrs ni nosse pitite patrèye. On sous-entend ainsi que l'étendue restreinte de notre sol n'empêche pas la fierté qu'on éprouve pour lui. Au mot à mot, il faudrait traduire: " Nous sommes fiers de notr' petit' patrie... " Mais les élisions, qui sont naturelles et même obligatoires en wallon, seraient mal venues en français.

Bovy a cru résoudre le problème en tournant sa phrase ainsi : " Nous sommes fiers de notre Wallonie ". Oui mais ce n'est plus pareil ! Cela n'exprime plus qu'un sentiment qui doit être commun à tous les peuples... qu'un Chinois peut éprouver pour sa vaste contrée.

Le deuxième vers nous dit : " Ca lådje èt lon on djåse di sès èfants ". Ce qui signifie que " bien loin d'ici, on parle de ses enfants ". C'était peut-être plus vrai jadis que de nos jours mais ça reste bien plus modeste que " Le monde entier admire ses enfants " de la version française (rédigée pourtant par le même auteur, je me plais à le rappeler).

Le troisième vers c'est " Å prumî rang on l' mète po l'industrèye " et le quatrième " Et d'vins lès årts, èle riglatihe ot'tant ". C'est ici que le bât blesse et que la proclamation semble émané d'un autre âge mais... j'ai écrit plus haut que les mots wallons n'avaient pas de rides et semblaient avoir été pesés. C'est vrai. Il se peut bien que ça soit sans l'avoir voulu expressément mais en disant " on l' mète " l'auteur ne fait qu'affirmer que la Wallonie a pris place au premier rang de l'industrie. Que l'on pense à l'inventeur de la Dynamo ou à Dony (avant qui le zinc ne servait pas à grand chose), notre renommée semble déjà justifiée. Et, en ce qui concerne " les arts ", pourrait-on, par exemple nier l'école liégeoise du violon ? Vieuxtemps et Ysaye n'ont-ils pas porté son renom partout ? Mais tout semble dit avec délicatesse, tout se laisse deviner en faisant en sorte que les références au passé coulent de source, sans avoir à les citer.

Tandis que la traduction donne: " Au premier rang brille son industrie. Et dans les arts on l'apprécie autant. " C'est dit d'une façon qui situe la phrase au présent et rien qu'au présent. Ceci ne fait que " remuer le couteau dans la plaie " en accentuant le côté anachronique. Toute souplesse d'interprétation a disparu.

Est-il besoin de poursuivre l'analyse pour donner ma conclusion : Li tchant dès Walons a été conçu en wallon et perd de sa saveur dans un autre langage. Est-ce dire que " traduction c'est toujours trahison " ? Bien sûr que non. Il y a des oeuvres qui s'y sont très bien prêtées. Il semblerait cependant que la chose réussisse mieux aux livres et aux pièces de théâtre qu'à la chanson. L'obligation de respecter la cadence musicale des mots rend l'exercice plus difficile. Surtout quand on veut épouser étroitement le texte. C'est peut-être ce qui conduit à ne plus donner des représentations d'opéra qu'en version originale. Pourtant, il y a bien des exceptions. Je pense même qu'en la matière il n'y a pas de règle...

Mais pour en revenir à ce qui nous occupe, je crois que c'est en wallon qu'il faut chanter notre hymne. Serait-ce plus ardu que d'assimiler des chansons en Anglais ? Personnellement, sans être polyglotte, je me surprends à fredonner O sole mio ou bien It's a long way to Tipperary et, si je chante Li bia bouquet, c'est en wallon de Namur que les paroles me viennent.

Je crois que le tort a été de trop parler et de polémiquer au sujet d'un choix qui n'était pas à faire car Li Tchant dès Walons existait bel et bien. Tout naturellement, il eut continué à suivre son bonhomme de chemin si " on " ne s'en était pas tant mêlé depuis trop longtemps. D'autre part, le français n'étant plus la langue universelle qu'il était jadis et l'anglais ne cessant pas de nous envahir, faudra-t-il bientôt proposer de notre hymne une version écrite dans la langue de Shakespeare? Devrons-nous bientôt chanter: " We are so proud of our little country " pour proclamer à la face du monde notre fierté d'être encore des Wallons ?

Je m'en voudrais de ne pas signaler d'autres détails dans la volée de bois vert dont nous eûmes à subir la lecture, pour autant qu'on s'intéressât à la question. Je me permets de vous signaler, par parenthèse, que j'éprouve moins de scrupules à utiliser certains temps tels que le passé simple ou l'imparfait du subjonctif quand je conjugue dans mon wallon régional, car cela me paraît alors dépourvu de tout aspect tarabiscoté... Mais je disais que, dans la volée de bois vert, quelques suggestions me semblent dignes de figurer au bêtisier. Dans le courrier des lecteurs, n'a-t-on pas affirmé que les Wallons feraient mieux de se contenter de chanter " La Brabançonne ".

J'aime bien " La Brabançonne " et je la chante sans réticence aucune. C'est notre hymne national et je ne vois pas pourquoi il cesserait de l'être. Je me sens Liégeois, Wallon, Belge et Européen et non exclusivement l'un ou l'autre.

J'y pense, la Suisse ne fait pas partie intégrante de l'Union Européenne. En bien des choses, elle aime faire exception. C'est ainsi que les Helvètes, pourtant très portés pour leur pays, ont mis du temps à se choisir un hymne national. Je me souviens qu'il y a une trentaine d'années, nous avions été engagés à Lucerne au mois de juillet. Le directeur du Casino où mon orchestre se produisait était très à cheval sur certains principes. Il voulait que le 14 juillet on joue La Marseillaise, le 21 La Brabançonne et The star spangled banner pour fêter les Américains (le 4, je crois). Notre contrat fut prolongé d'une semaine et je savais que le premier août, c'était la fête nationale suisse. Dans tout le pays, j'ai su que la tradition voulait qu'à chaque fenêtre, dans chaque maison, on allume des bougies. C'était d'un bel effet puisque je m'en souviens.

Je me rappelle aussi avoir demandé au patron ce qu'il fallait jouer en la circonstance. Il me remit une musique en me disant : voilà l'hymne suisse. C'était une sorte de cantique et, l'heure venue, nous l'avons joué devant un public médusé qui semblait se demander ce que nous interprétions. Aucun Suisse présent ne savait alors ce que c'était. En général, m'a-t-on dit, dans tout le pays on joue l'air du God save the king. C'est ça qui sert de chant national pour notre république. Nous pouvons donc être rassurés : nous n'avons pas le monopole du bêtisier, en ce qui concerne le choix d'un hymne ! Mais nous parlions de la Brabançonne...

Que messieurs les Flamands tirent les premiers ! Ou plutôt " retirent " les premiers leur chant régional fait partie de toutes manifestations patriotiques officielles et nous donnent ainsi l'exemple.

On n'en est pas là. Le Vlaamse Leeuw tient le coup ! N'a-t-on pas surpris les lèvres de notre monarque le fredonner ? Je me demande même si ce n'est pas un peu cet événement, pourtant bien anodin, qui a tout déclenché ? On s'est posé la question de savoir ce qu'Albert II pourrait chanter, surpris dans un stade en terre wallonne. Petite cause, grand effet ! Il fallut se décider à choisir un hymne régional et on a commencé par ignorer l'existence du Chant des Wallons pour y revenir après de longues tergiversations.

Les Français ne se demandent pas si ce qu'ils chantent est obsolète. Les Flamands non plus. Les Suisses, interprétant " God save the King " pour glorifier leur république, cela n'a rien de surprenant mais nous, Wallons, nous devons au préalable passer un examen de texte!

Quant à celui de la Brabançonne, il est dû à Charles Rogier. En effet, Willy Burgeon n'est pas le premier parlementaire à avoir tenté de remanier un hymne mais Rogier, lui, y est arrivé. Ça n'a pas pris davantage un " coup de vieux " que bien d'autres hymnes nationaux mais ça ne correspond pas non plus à une écriture très contemporaine que de proclamer : " Après des siècles d'esclavage, le Belge sortant du tombeau ". Faudrait-il remettre les phrases en chantier tous les dix ans pour être " in " ? Il n'en est pas question bien sûr, mais n'oublions pas que la version originale, de Genneval, c'était :

Qui l'aurait cru ? de l'arbitraire

Consacrant les affreux projets,

Sur nous de l'airain sanguinaire,

Un prince a lancé les boulets;

C'en est fait ! Oui, Belges, tout change,

Avec Nassau plus d'indigne traité,

La mitraille a brisé l'Orange

Sur l'arbre de la Liberté.

Bien sincèrement, vous entendez-vous chanter cela avec conviction ? C'est cependant ce que nos pères ont fait.

Avant de fermer mon bêtisier, je veux dire encore que je ne me suis jamais expliqué que l'on ait pu trouver trop révolutionnaire Li Tchant dès Walons et que, par ailleurs, on ne trouve pas de remarques à formuler au sujet de " Valeureux Liégeois " que je chante volontiers aussi mais qui me paraît, à l'analyse, bien plus belliqueux. On y débite, en plus, quelques énormités. N'y fait-on pas dire que César, vainqueur de l'univers, décerna au Liégeois le nom de " brave " alors que Liège n'existait pas encore quand le général romain nous rendit visite et que, même si les Belges lui ont donné du fil à retordre, surtout sur les bords de la Sambre, il n'y a que les Ménapiens qu'il n'arriva pas à mater tout à fait.

Soyons objectifs, mes frères et, pour faire acte d'humilité, " il faut rendre aux Flamands ce qui appartient à César "... tout au moins en ce qui se dégage de ses écrits. Pour ce qui est des miens, je pense avoir un peu trop abuser de votre temps. Je n'ai pas tout dit, bien sûr, mais je préfère laisser un espace blanc pour vous permettre d'ajouter à votre tour l'une ou l'autre bêtise à propos du Chant des Wallons.


Emile Sullon, divin: Qué walon po dmwin ? Quorum, 1999.

 Résumé en wallon.