L'askèpiadje di noûmots è walond.

La création de néologismes en wallon.

par Lucien Mahin alias Louline Vôye

(1994)


Avertissement

Les chapitres 2, 3, 4, 5, 6 et 7 de la présente compilation constituent les numéros 1, 2, 4, 5, 6, 7 de la série:'Contribution à la formation du wallon de demain' (Po z-êdî o discloyadje do walond did dimwin). Le n° 3 de cette série a été publié dans 'Singuliers', 2, (2), 17-21, 1994. Les n° 1 et 2 avaient été intégrés à une publication à diffusion confidentielle: 'li rfondu walond: li pouna èyet l' cova', 2, (1994).

Les textes et les travaux graphiques de l'auteur contenus dans le présent recueil peuvent être reproduits sans autorisation préalable par tout organisme oeuvrant à la promotion de la langue wallonne. Copie souhaitée à envoyer à B.P. 15, 24400 Sidi Smaïl (Maroc) ou 4, Vôye du Viance, 6890 Transsine (Belgique). Attention, les figures de base, notamment les cartes ALW peuvent faire l'objet de droits d'auteurs. Se renseigner au sein de la 'famille wallonophile'.

Pour l'orthographe walond, et le concept Walonerèye, voir chapitre 4.


Avant-propos

Le développement de la langue wallonne, commencé au 19e siècle, est arrivé à un point très délicat. Les derniers wallonophones spontanés ont entre 60 et 80 ans et vivent dans l'isolement linguistique. Ils communiquent peu entre eux en wallon, même dans les clubs 3x20. Contrairement à la génération précédente, ils ne parlent pas wallon avec leurs petits-enfants. Parmi ces derniers wallonophones de naissance, la tranche 'intellectuelle', qui constituait le lectorat naturel de la littérature wallonne, s'amenuise dangereusement, rendant plus que périlleuse toute tentative indépendante de publication en langue wallonne. Les promoteurs de la wallonophonie se découragent devant le manque de return de leur investissement en efforts: quasi indifférence des pouvoirs publics, surtout au niveau communal, là où ils devraient être les plus encouragés; disparition de l'usage du wallon dans la tranche d'âge 5-55...

Dans ce sombre univers existe néanmoins un élément d'espoir: c'est l'émergence d'une génération de jeunes wallons qui souhaitent rétablir leur langue en tant que véhicule d'expression dans tous les domaines de la vie. Pour arriver à ce but ambitieux, un vaste mouvement syncrétique est en train de se mettre en place. A terme, il devrait comporter:

1° le recrutement de nouveaux wallonophones qui, par amour de parents ou de proches qu'ils ont entendu parler wallon, désireraient réapprendre cette langue. On doit leur proposer un enseignement basé, au départ, sur la variété qu'ils affectionnent, fût-elle micro-régionale. Ils doivent apprendre cette variété, et surtout apprendre à la parler en société. Pour cela, nous devons rechercher avec les psycholinguistes, les méthodes susceptibles de lever les barrières psychologiques qui empêchent la bouche des Wallons de 1994 de prononcer une autre langue que le français.

2° l'instauration de la wallonophonie entre intellectuels wallonophones. De quel droit conseillerions-nous aux autres ce que nous ne pratiquons même pas nous-mêmes? Ceci suppose que chacun ait le courage de parler sa variété en public et ne justifie pas l'usage du français par le fait que les djins n' comprindront nin m' sôrte di walond. Tous les wallons, tels qu'ils sont parlés en 1994 sont largement inter-compréhensibles.

3° un effort constant de la part des promoteurs de la wallonophonie pour chercher à dire tout en wallon, et pour ce faire, créer des néologismes dans les domaines qui les concernent. C'est ce point qui fait l'objet du présent travail..

4° l'établissement d'une langue wallonne écrite commune, li rfondu walond, de manière à disposer d'un outil nous permettant d'introduire le wallon auprès des instances officielles, à réaliser certaines publications à plus grand tirage (livres scolaires), à communiquer entre nous par écrit.

5° le rassemblement de l'ensemble des ressources humaines disponibles visant à la promotion du wallon, en un tout cohérent, organisé, et doté d'un code de déontologie (pour éviter les frictions si fréquentes  entre wallonophiles.)

6° la compilation des ressources linguistiques disponibles: lexicales (dictionnaire général du wallon), bibliographiques (catalogue CRIWE, catalogue complet SLLW, etc.).

7° la création d'un puissant lobby wallonophone, destiné à influencer la politique des pouvoirs publics en matière de promotion de la langue wallonne.

8° la constitution d'une cellule de communication, en contact permanent avec les médias, de manière à réaliser une 'surinformation' en matière de langue wallonne.

9° la généralisation du walond è scole, et la formation de maîtres spécialisés dans ce domaine. Leur enseignement doit se calquer sur celui des langues vivantes (priorité à l'expression) et non sur celui des langues littéraires (étude de textes commentés en français).

Puisse ce travail, que j'essayerai de prolonger par d'autres articles, contribuer à l'organisation du mouvement de création des néologismes. L'expérience bretonne nous a montré, en effet, qu'un minimum de coordination est nécessaire dans ce domaine .


Divant d'apougnî (sicrît è rfondu walond)

Li discloyadje do lingadje walond è-st-arivé à on (cwantrinme?) toûrnant k'on dit k'il est plin d'arokes. Ki, ci côp-chal, mutwè k' ci sreut co ben l' côp ki pète èyet ki n' crake nen, s'apinse li djouweû d' couyon.

Les dêrins cåzêus d' walond, dj'ôs ben les cis ki l' djåzèt sins l' avu aprindu, il ont atèr 60 èyet 80 ans. Et sovint fins mièrseûs, sins polu u sins volu djåzer walond, caben ki c' seûye avu les parèy à zèls divins les rassocenêyes "3 côps 20 ". Et nèlzî djhoz sortot nen dèl cåzer avu leûs ptits-èfants. Mâria Dèyî! Ben i vos rîrint o nez, têsse!

Et l' soce des cis ki lîjèt des lîves è walond, dabôrd, lèye? Mo ratchitchîye èto, come dèl crinme sol pêlon d' lacea k'est ki racaboût sol fû dispûs des eûres.

Les waloneûs, - pôves malèreûs! - ni sont nen sovint rpayîs po l'ovradje di nûton k'il abatèt po nosse lingadje. Et di s' discoradjî.

Dins one si neûre disbåtchance, non pus, i gn-a one pitite flåwe lumerote ki dmore tolminme alumêye.

 

Des ctûzeûs, rindus après nosse lingadje, vôrint ben ki l' walond ridivnache on moyin di s'atåchi atèr Walonds. Po ça, one lådje mouwance a skèpyî. Po nozôtes êdî c' movmint-là à ben disclôre, dju dvrins:

1° Ovrer o scoladje di rcåzeûs d' walond, (ça vut dîre des cis ki raprindèt à l' cåzer), nosse seûle vrêye fwace si on vut co nn aler pus lon.

2° Djåzer walond atèr nozôtes dins nos raploûs; èyet s' loukî di cåzer did ttafwêt è walond..

3° Po ça, cwèri après les noûmots k'i fåt . C'è-st-à c' tchèrète-là ki dj' boute dins l' sicrîjadje ki vos aloz lîre.

4° Èmantchî comifåt on rfondu walond, po scrîre, mètans, dins les lambèrdèkes , ucoben dins des lîves di scole po tote li Walonerèye.

5° Rachonner tos les waloneûs dins one seûle soce, k'åreut des rîles di cdûjhance à môde di djint, po z-aspêtchî les margayes inte nozôtes, come c'est trop sovint l' cas.

6° Ramèxhner les ritchèsses do lingadje, ki sont trop sovint pâr sitramêyes. Cite ovradje-là est djà mo ben avancîye, avu " li grande djîvêye di mots walonds ", ki s'aprèsse po do bon.

7° Monter one sitocasse poûssance po les cayèts d' walond; one sacwè k'aureut y-åk à dîre amon les politikîs, k'il ènn' årint minme sogne

8° Nos ayîver one pougnêye di djins mètus po l'atåchance, ki hantrint sins rlaye avu les cis des posses èt des gazètes, èt s' di bassiner à tûtê pol walond.

9° Fé moussî l' walond dins totes les scoles; riscoler des mwêsses k'aprindrint l' walond ås èfants à môde di l'aprindadje do rfondu flamind, udon d' l'inglès, mètans (ça vut dîre tot cåzant, djåzant èt co pårlant walond); èt nen come li latin, tot lîjant on scrît è walond èt s' l'èspliker è francès.

Pôreut valu ki cite ovradje-ci êdache à adjincener à môde di djint les trovadjes di noûmots des waloneûs. Les Bretons ont djà sayî l' bazâr, èt i nos plèt dîre k'i fåt one bârbåje d'ètchèrpètadje èchonne, ca ôtrumint ça dvint co rade one fèle comaxhrîye.


Adrovadje Introduction

Avec la publication de 'Wallonnes', la Société de Langue et de Littérature Wallonnes semble devoir sortir lentement d'une sorte de phase d'hibernation que nous regrettions tous. Qui plus est, elle tente de développer des qualités quasi inexistantes en matière de diffusion des publications wallonnes: l'information commerciale.. En effet, la 'Vielle Dame' est en train de mettre au point un grand catalogue de ses publications. Quand ces ouvrages redeviendront enfin disponibles dans des circuits commerciaux normaux, commandez donc le n° 13 (1985) des 'Dialectes de Wallonie'. Vous y trouverez un article de Pierre RUELLE - Dieu ait son âme - intitulé: 'Introspection d'un intellectuel patoisant'.

L'auteur y décrit plaisamment comment son esprit s'est bien organisé pour l'utilisation, soit du français, soit du borain. Les notions scientifiques, poétiques, administratives s'y expriment en français. Les colères, souvenirs de sensations d'enfance, relations linguistiques avec son chien s'y expriment en borain. Il s'agit d'une judicieuse analyse introspective de l'esprit du Wallon né et élevé dans le milieu utilisant la langue régionale, et ayant étudié et travaillé ensuite en français. Soit encore, l'esprit de la plupart de ceux qui liront ces lignes.

Si nous considérons que cet état de choses est immuable, et sachant que le milieu qui a généré les sensation exprimées en langue régionale n'existe plus , alors le wallon est déjà mort. Si j'avais suivi Pierre Ruelle sur ce point, je n'aurais sûrement pas passé de nombreuses soirées, et même des après-midi de saison morte, à écrire les textes que je vous présente ici.

Je connais très bien le wallon, le français, l'arabe marocain. Je parle bien anglais, honnêtement le néerlandais. Je me débrouille en allemand, en espagnol et en arabe classique. Je peux même ânonner quelques phrases toutes faites en danois, en suédois, en russe, en italien, en berbère. Je sens parfaitement ce qu'est une langue par rapport à un régiolecte, ou un argot, et pour moi, le wallon est une langue.

Mais je sais aussi parfaitement, pour avoir travaillé pendant près de 10 ans en recherche clinique vétérinaire, que l'opinion, même motivée, d'une personne compétente n'est rien en comparaison d'une petite étude scientifique, même grossière, sur le même sujet.

C'est ce principe que j'ai essayé d'appliquer dans ce qui va suivre.


Chapitre 1

 

Contribution à l'établissement d'une langue wallonne écrite commune (li rfondu walond):

essai de classification de quelque 3000 thèmes sud-wallons, en comparaison avec leurs équivalents ouest-, centre- et est-wallons.

Racoûrti

Po z-êdî o discloyadje do rfondu walond: one saye di rlîjadje di 3000 èt des mots d'on walond bassårdinwès, djondant les parèy à zèls dins les walonds d'après Châlèrwè, Nameur èt Lîdje.

Li scrîjeû a ratoûrné è walond d' Transsine (Ne 12) 3000 èt des mots dèl djîvêye k'on loume 'Walo +', pôy k'i gn-aveut co pont d' walond dèl Basse Årdène dins ç't ovradje-là. Adon, il a rwêtî, po tchèke mot, s'i rtiréve pus rade do francès, udon des ôtès sôrtes di walond, ucoben qu'il èsteut a pårt. Èt s' di rlîre les 3000 èt des mots inlà.

Il a rilvé:

- (a) k'i gngn-aveut on rapåmadje å jusse, inte li francès èt les walonds, ki por one bârbôje di mots (8,8 so cint);

- (b) k'i gn-aveut one pèclêye di mots (98,5 so cint) k'on comprinreut åjhîymint d'on walond à l'ôte si on scolréve one pitite miète so les candjemints k'on mot ramasse todi, tot passant d'on walond à l'ôte;

- (c) k'i gn-aveut tot griblé (35,1 so cint), di mots dèl Basse Årdène à rmète avu l's-ôtes po rèfwarci l' ritchèsse do rfondu walond.

Introduction.

Le wallon, tel que défini géographiquement par MARECHAL en 1926 (GER 1) est en voie d'extinction rapide. En effet, le nombre de femmes en âge de procréer qui utilisent cette langue pour parler à leurs enfants d'âge préscolaire est proche de zéro. Les derniers wallophones actifs ont plus de 60 ans. Les plus jeunes, qui voudraient et pourraient utiliser cette langue, ont de moins en moins l'occasion de se rencontrer au sein de groupes homogènes wallophones (famille, travail, village, loisirs). De plus, le manque de diffusion de wallon par les média, l'absence quasi-totale de son enseignement magistral et surtout des facteurs psychologiques que j'ai évoqués d'autre part (MAH 3) rendent aléatoire l'intercommunicabilité entre wallophones de régions différentes. L'observateur étranger qui analyse le comportement des Wallons de nos jours constate que, politiquement, ils se dirigent vers une individualisation de plus en plus poussée. Par contre, culturellement, ils laissent disparaître, voire dénigrent, leur patrimoine linguistique. Une telle attitude lui semble tout-à-fait paradoxale, incongrue, inconsistante.

L'étude de la littérature wallonne, dont - fait étrange - la production tend à augmenter actuellement, a été proposée comme facteur de transmission de la langue wallonne de génération en génération . Néanmoins, la démarche récente en vue de l'établissement d'une langue wallonne écrite commune (HEN 2), li rfondu walond, me semble une voie beaucoup plus prometteuse. J'avais vivement souhaité cette aspect dès que j'avais été confronté au problème de caractérisation de l'individualité culturelle wallonne pour un Wallon résidant à l'étranger (MAH 3). Dans ce cadre, un essai de comparaison simplifiée entre thèmes ouest-, centre- et est-wallons a été initié récemment par J. GERMAIN. Grâce à la coordination de L. HENDSCHEL, il a conduit à l'élaboration d'un premier lexique pan-wallon d'environ 3000 mots (WAL +). Par manque de collaboration, le sud-wallon, ou wallo-lorrain, n'est pas de représenté dans ce travail.

La présente recherche se propose de combler cette lacune. Elle offre également des éléments de réponse aux questions suivantes:

- Le wallon est-il suffisamment différent du français pour qu'il soit établi comme langue propre?

- Le wallon a-t-il suffisamment de ressources lexicales pour ce faire?

- Les wallons sont-ils tellement différents d'une région à l'autre?

- Le wallo-lorrain, plus proche du français par certains traits (article la ; remplacement du son 'in' par le son 'an') peut-il offrir une contribution substantielle au  rfondu walond, déjà bien étoffé par l'apport de trois zones .

Matériel et méthodes

Les trois mille cent mots traduits sont ceux du lexique Walo +, édition provisoire de 1992

Traduction.

La traduction est donnée en wallon de Transinne (Ne 12), d'après mes propres connaissances de cette langue. Quand plusieurs mots sont possibles et synonymes, je souligne éventuellement la forme la plus usuelle. Si la forme wallo-lorraine est unique et est soulignée, cela signifie que son emploi est très fréquent. Quand plusieurs traductions différentes existent en wallo-lorrain pour plusieurs sens du mot français proposé, elles sont précédées des chiffres 1, 2 etc. Les mots wallo-lorrains entre parenthèses sont ceux connus dans des régions du Sud-wallon proches de Transinne, mais non utilisés à Transinne. Les thèmes ouest-, centre-, ou est-wallons soulignés sont ceux qui seraient facilement compréhensibles à Transinne, quoique non utilisés spontanément . De rares mots proviennent d'ouvrages ou d'études en wallon de régions proches de Transinne .

Classement.

Après traduction, les thèmes wallo-lorrains ont reçu une des notes suivantes:A, B, C, E, F, G, J.

A: WL = W = F: Les mots wallo-lorrains, wallons et français sont identiques ou pratiquement identiques.

B: WL = W # F: Le mot wallo-lorrain est l'équivalent des mots wallons. Ceux-ci sont différents du mot français.

C: WL # W = F: Le mot wallo-lorrain est différent des mots wallons, ceux ci étant plus proches du français.

E: W # WL = F: le mot wallo-lorrain est nettement plus proche du français que les mots wallons.

F: WL = 0: Aucun traduction n'est proposée en wallo-lorrain.

G: WLWL WW # F: Les wallons et le wallo-lorrain offrent des mots originaux. Les mots wallons ont leurs équivalents, ou sont compréhensibles en wallo-lorrain. Mais celui-ci possède en autre d'autres mots propres.

J: WLWL #, = WW # F: Les wallons et le wallo-lorrain offrent des mots originaux, dont certains peuvent être équivalents. Mais le wallo-lorrain possède un ou des mots différents du wallon. A son tour, le wallon possède un ou des mots non entendus en wallo-lorrain.

Création de paramètres

1. Taux d'originalité par rapport à la langue dominante: 100 - (A) : T.O. = 100 - (A)

2. Taux d'homogénéité absolue: T.H.A. = (A) + (B) + (F)

3. Taux d'intercompréhensibilité: T.I. = 100 - (C/2) - (G/4) - (J/3).

4. Paramètre de richesses lexicales sud-wallonnes: PRWL. = (C) + (G) + (J) / 100-(A)

5. Paramètre de pauvreté relative du wallo-lorrain: PPWL = (E) + (F)

 

Résultats

Des modèles de classification sous les différentes notes sont donnés au tableau 1.

Tableau 1: Exemples de classification.

Cote

Français

Ouest

Centre

Est

Sud

Remarques

A

pompe

pompe

pompe

pompe

pompe

 

B

porte

1. uch

2. pôrte

1. uch

2. pwate

1. ouh

2. pwète

1. uch

2. pwate

porte ordinaire grande porte

C

ortie

ôrtîye

ôrtîye

oûrtèye

k(u)chaude

këchnaurde

k(u)chârde

k(i)chârde

E

roi

rwè

rwè

rwè

rwa

 

F

gouvernail

vèrnia

vièrna

vièrna

--

 

G

giboulée

via d' mârs'

via d' maus'

vê d' mås'

houssê

vê d' mârs'

bikèt d'avri

spitê d' sint

R'mi

(giboulée d'automne)

J

écorcher

scôrcî

chwarchî

dichaver

dihåssî

scorier

grèter

kurnacher

 

Suite à notre sélection, 274 thèmes (8,8 p.100) ont été classés en A: 1580 (51,0 p.100) en B; 181 (5,8 p.100) en C; 219 (7,1 p.100) en E; 33 (1,1 p.100) en F; 432 (13,9 p.100) en G et 381 (12,3 p.100) en J.

Le taux d'originalité par rapport à la langue dominante pour l'ensemble des wallons est de 91,2 p.100

Le taux d'homogénéité absolue des wallons est de 60,9 p.100.

Le taux d'intercompréhensibilité est de 89,5 p.100.

Le taux de richesses lexicales wallo-lorraines est de 35,1 p.100.

Le taux de pauvreté, relative du wallo-lorrain est de 8,2 p.100.

Discussion

Le pourcentage de mots classés A, correspondant au recouvrement lexical français-wallon, est relativement faible (8,8 p.100). Son inverse, le taux d'originalité du wallon (91,2 p.100), confirme la dérive linguistique qu'ont subie, depuis le Haut Moyen Age, les dialectes wallons. L'intensité de cette dérive par rapport aux dialectes de l'Ile-de-france, ayant donné le français, est suffisamment importante pour que les deux langues actuelles puissent être considérées comme différentes. Si nous étions en biologie, une dérive génétique comparable aurait créé deux sous-espèces nettes. Il serait intéressant de comparer ce taux de recouvrement (A) dans d'autres couples de langues de langues comme allemand-néerlandais, danois-suédois, portugais-espagnol. Gageons que ce taux ne serait pas significativement différent malgré le fait que ces couples constituent des langues officielles.

Le pourcentage de mots classés B (51,0 p.100), précisé par le taux d'homogénéité absolue (60,9 p.100), est également étonnant. Il faut néanmoins préciser que les mots classés B ne sont pas nécessairement compréhensibles à prime audition par un wallophone non averti. Utilisant ojê, dans mon wallon, je ne comprends pas à prime audition le liégeois oûhê; de même pour solê et l'ouest-wallon soya. Néanmoins, cette intercompréhensibilité se serait développée facilement si un effort élémentaire d'enseignement à l'école des bases théoriques des variétés de wallon, avait été entrepris. Ce devra être une priorité pour l'enseignement des langues en Wallonie dans les années à venir. Cette démarche devrait être facilitée par la suite de la publication de l'Atlas Linguistique de Wallonie.

Excluant une partie des mots classés en C, G et J, non compréhensibles par une partie des lecteurs, le taux d'intercompréhensibilité des wallons est de 89,5 p.100. Ce chiffre éloquent vaut mieux qu'un long discours.

La consultation de la quatrième région wallonne (le sud-wallon), - qui n'avait pu se faire précédemment pour des raisons organisationnelles - montre que pour 35,1 p.100 des mots proposés en traduction, le wallo-lorrain apporte une ou plusieurs formes lexicales non apparentées aux autres formes wallonnes. En raison de la méthodologie de la présente recherche, ce taux est sous-estimé. Tout d'abord, seule la mémoire de l'auteur a été sollicitée, et seulement pendant une période de un mois. Le jour même de la clôture du dépouillement, de nouveaux mots resurgissaient, qui auraient transformé des notes B en G ou J. Ensuite, de larges régions du sud-wallon ne sont pas explorées dans ce travail, et notamment celles de Neufchâteau et de Bastogne, dont des projets de création de dictionnaire sont dans un état avancé (voir p. 81).

Tous ces termes des lexiques sud-wallons entrent de plein droit dans la langue wallonne écrite commune. Néanmoins, leur normalisation devra se faire en alignant les formes sud-wallonnes, et les règles à appliquer devront être définies. L'examen de quelques formes de k(u)chaude (tableau 1) suggère déjà les questions suivantes. La voyelle instable sera-elle celle la plus fréquente dans l'aire de répartition du mot (choix de k(u)chaude) ou gardera-t-on la voyelle instable générale (choix de k(i)chaude)? Adoptera-t-on les règles de graphie comme si la forme était présente à Liège (kuchåde / kichåde), comme le suggère l'existence de la forme en â (k(i)châde) dans la zone où le å liégeois se transforme en â?

Le taux de pauvreté relative des wallo-lorrains (8,2 p.100) reste faible. Il est dû principalement à la transformation à la transformation du 'in' en 'an' (difèrince / difèrance); 'wè' en 'wa' (rwè / rwa) et 'war / wèr' en 'ôr' (amwarcî / amorcer). Ce phénomène s'amplifie graduellement en allant de la Famenne vers la Gaume (in / an) ou vers la Champagne (war / ôr). Pour ce dernier groupe, un isoglosse net devrait passer entre Transinne et Ochamps / Jéhonville (MAH 1).

Les mots classés F correspondent à des activités non présentes dans la zone (houilleur, écluse, gouvernail) ou non connues par l'auteur (fleurs ornementales, certains légumes). Leur fréquence est faible (1,1 p.100).

Conclusion.

La présente étude montre:

1. Que le wallon est une langue nettement différente de français, possédant une très grande richesse lexicale.

2. Que les wallons sont beaucoup moins hermétiques qu'on veut bien généralement le dire. L'importante intercompréhensibilité que nous avons relevée est un élément encourageant pour la compréhension en un quelconque point de la Wallonie, du  rfondu walond, la langue wallonne écrite commune.

3. Que le wallo-lorrain n'est pas le parent pauvre des wallons, malgré un certain nombre de traits plus proches du français. Son originalité se marque entre autres par une richesse lexicale intégrable au rfondu walond.

Remerciements

Nous remercions Hanane FAZI et Yassine EL HALY pour leur collaboration technique. ainsi que Paul LEFIN et l'abbé Raymond MOUZON, qui m'ont présenté le travail 'Walo +'.

Résumé

L'auteur propose des traductions en wallon de Transinne (sud-wallon, Ne 12) aux 3000 et quelques mots du lexique pan-wallon "Walo + ". Ensuite il classe chaque thème en fonction de la ressemblance avec le français et avec les thèmes ouest-, centre- et est-wallons. La présente recherche tend à montrer:

- (a) que le recouvrement lexical du français et du wallon est relativement faible (8,8 p. 100), confirmant le statut du wallon comme langue à part entière;

- (b) la bonne intercompréhensibilité des wallons (89,5 p. 100), qui pourrait être encore améliorée par un enseignement théorique minimum des règles de variation des mots d'un wallon à l'autre;

- (c) la richesse lexicale du wallon, traduite par un taux de 35,1 p. 100 de nouvelles formes lexicales découvertes dans une seule variante du sud-wallon.

Li 25 d'awousse 1993


Ci côp-ci, c'est d'ataker!

Nous voilà donc arrivés à la conclusion que le wallon est une langue, mais que personne ne l'utilise en tant que telle. En effet, quand on parle de langue, on suppose l'utilisation d'une norme que tout le monde emploie au niveau de l'écriture, quitte à prononcer les mots écrits avec plus ou moins de variation en fonction de chaque région, de chaque accent.

Le wallon possède depuis près d'un siècle une norme d'orthographe, le système FELLER. Mais son but est de retranscrire fidèlement en écriture courante la plupart des variations régionales notées par les dialectologues au moyen de signes cabalistiques. Pour une meilleure reconnaissance des mots par les locuteurs d'autres dialectes, il utilise également des graphies qui font penser au mot français équivalent. L'orthographe FELLER, adoptée finalement par l'ensemble des écrivains wallons donnait une apparente impression d'unité au monde de la littérature wallonne. Jean GERMAIN (GER 2) a posé la question de savoir si cet état de choses n'avait pas été un obstacle à l'établissement d'une langue wallonne écrite commune, li rfondu walond.

J'avais moi-même souhaité sentimentalement ce wallon commun, qui m'aurait permis d'adresser la parole à un autre Wallon en wallon à Carlsbourg, à Namur, à Louvain, à Bruxelles, à Rabat et ailleurs (MAH 3).

Or, depuis 1990, sous l'influence de mouvements de normalisation en Suisse romanche, en Catalogne, en Occitanie, quelques actifs de la wallonophonie ont réfléchi sérieusement à la possibilité de normalisation du wallon. Conscients qu'il s'agit là du travail de la dernière chance, ils l'ont prudemment suggéré dans 'Walo +' (WAL +), en ont donné les principes de base (GER 3), puis ont proposé une première mouture cohérente et complète de ce rfondu walond (HEN 1). En concertation constante avec HENDSCHEL, j'ai moi-même suggéré quelques modifications. Il s'agit tout d'abord de l'extension des graphies interprétatives. Par ce terme, j'entends des graphes, déjà très populaires en occitan , qui regroupent des variations constantes de certains mots d'un wallon à l'autre. L'exemple classique popularisé par GERMAIN (GER 3) est le suffixe '-ea' regroupant les formes '-ê' et '-ia'. Nous reparlerons de tout cela (voir p. 66). Disons dès maintenant que les graphies interprétatives, les bètchfèssés scrîjas, ne s'opposent pas au système FELLER, puisqu'elles remplissent une fonction non prévue par ce système. Ensuite, il m'a paru utile d'utiliser systématiquement en rfondu walond certaines options orthographiques, généralement prévues ou latentes dans le système FELLER. L'option de non-écriture de l'apostrophe lors de l'élision d'une voyelle instable sera explicitée par FRANCARD dans le 'Dictionnaire de Bastogne' (voir p. 81). Le but est d'arriver à une graphie d'ensemble qui ressemble à celle d'une langue grand public, et non de signes appartenant aux notations phonétiques. Dans ce cadre, nous n'utiliserons plus le point sur la ligne (min.me, èchon.ne), retournant aux graphies FELLER originales. La minute (apostrophe terminale) (as' vèyu, nèni, sés', on ptit tchinis' nut') sera remplacée par un autre système, le plus souvent un 'e' muet (asse, sésse, tchinisse, nute). Savez-vous que les logiciels de traitements de textes courants ne reconnaissent pas la minute comme attachée au mot? Encore un autre inconvénient de ces graphies semi-phonétiques.

Nous n'utilisons pas non plus les apostrophes internes (brak'nî), ni les e internes redondants qui les remplacent (brakenî), préférant l'apposition directe des consonnes (bracnî). Cette règle souffre néanmoins quelques exceptions, notamment après n et m et également ce/ç. Enfin, nous utilisons au minimum les traits d'union de liaisons. De nouveau, les programmes de vérification d'orthographe des traitements de textes considèrent les mots liés par un trait d'union comme une seule unité . Les traits d'union pourront, soit être supprimés comme déjà toléré en FELLER dans certains cas (les ovrîs, les oûy), soit simplifiés (po z-apougnî), soit remplacés par une forme contractée (walond did dimwin pour di-d-dimwin) .

La dernière adaptation orthographique que nous utilisons ici est la suppression de l'accent grave pour les, des, c'est, mes... Ainsi, l'orthographe est la même en wallon et en français. L'expérience d'apprentissage de l'écriture wallonne à mon fils m'a montré qu'il est malaisé de lui faire écrire lès, dès, c'èst, mès... En effet, le lendemain, à l'école, il devra écrire les mêmes mots sans accent. La dimention de l'apprentissage de l'orthographe wallonne à des jeunes enfants doit être intégrée à notre réflexion sur le wallon de demain.

Mais revenons au travail de HENDSCHEL 'Quelques propositions en vue de l'établissement d'une langue wallonne écrite commune' (HEN 2), dont j'ai eu connaissance en août 1993. Il a été pour moi une révélation, une illumination. C'est seulement dans ce cadre que toutes mes réflexions sur la création de néologisme prenaient un sens. Ce problème m'avait préoccupé dès ma plus tendre enfance. A l'occasion, me comportant sans le savoir en puriste linguistique, j'avais déjà créé et utilisé des néologismes comme: r(u)choûrboû d' vite pour 'essuie-glace', adjaloû pour 'congélateur', djaune boule du-d-dussu l'ovêre pour 'corps jaune ovarien' (qui empêche la vache de revenir en chaleurs).

Mes néologismes - vous le voyez notamment avec l'utilisation du suffixe '-oû' - posaient déjà le délicat problème de la diffusibilité des noûmots dans le reste de la Walonerèye (voir p. 43). L'établissement d'une langue wallonne écrite commune résolvait ce problème. Comble de satisfaction: ces néologismes étaient même demandés par les modernisateurs du wallon (voir p. 19). Je résolus donc de rassembler mes notes éparses sur la question en une liste unique: 'One djîvêye di nen trop èwarants noûmots (une liste de néologismes pas trop surprenants)'. Vous pourrez visualiser cette liste dans plusieurs tableaux présents dans ce travail (voir p. 50 et sv.). Elle est présentée sous forme d'un lexique wallon-français. En effet, la demande en néologisme s'exprime en français. C'est un mot qui surgit dans l'esprit d'un wallonophone, ou dans un texte en wallon et qui apparaît nettement hors du génie propre de la langue wallonne.

Restait à diffuser les premiers résultats de cette compilation, qui s'enrichissait au jour le jour. Je me rendais compte que plusieurs autres actifs de la wallonophonie avaient eux aussi pensé à la question. J'intégrai leurs trouvailles dans mes listes. De plus, de nouveaux néologismes se présentaient à moi quotidiennement, au cours d'une lecture, à l'écoute de la radio ou lors de la rédaction de mes notes professionnelles. Depuis mai 1994, en effet, convaincu que le wallon pouvait servir dans n'importe quelle circonstance, je décidai de rédiger mes informations personnelles, y compris ma comptabilité interne, en rfondu walond.

Je me mis donc à envoyer mes listes à certains collaborateurs, qui, en contrepartie, m'envoyaient leur avis. Mais la lecture d'une liste est toujours fastidieuse. Il fallait également commenter sur la manière dont ces néologismes étaient conçus. C'est ainsi que naquit, par une froide après-midi de novembre 1993, la série 'Contribution à la formation du wallon de demain'. Fidèle à mes opinions, je la wallonisai rapidement en 'Po z-êdî o discloyadje do walond did dimwin'. C'est ce travail dont je vous livre ici les premiers chapitres.

Ne vous étonnez pas du changement de rythme au cours de votre lecture du document. Pour ne pas trop effaroucher le lecteur potentiel, j'ai commencé dans mon wallon natal (chapitres 2 et 3). Puis je me suis progressivement enhardi. Le maintien de 300 variétés de wallons, une par village, est un concept qui n'a plus de défenseur. Il était impératif d'étendre la zone de diffusion potentielle de ces néologismes à l'ensemble de la Wallonie linguistique (li Walonerèye). Pour cela, il fallait faire appel au rfondu walond. C'est ce que j'ai fait à partir du chapitre 4 (voir p. 37).

Li 23 d' djulète 1994.


Chapitre 2.

La création de néologismes par extension du sens

" Pour que des gens aient envie de se servir d'une langue pour aborder l'un ou l'autre sujet, il faut que cette langue soit assez riche pour parler simplement de ce sujet. Or, de quoi parle-t-on, dans la vie quotidienne en 1993? " Des décalages horaires et de leur calcul en se référant au méridien de Greenwich, de la lutte contre le piratage des logiciels, de la cherté des péages autoroutiers en France, du redéploiement de l'armée israélienne dans la bande de Gaza l'assignation à résidence d'un activiste kurde; deux adolescents dissertent de  'pourquoi l'ADN du spermatozoïde ne se duplique pas?'; leur grand frère, qui fait des études commerciales, se demande pourquoi telle multinationale présente deux résultats pour l'exercice 1993, l'un à périmètre constant. On discute donc, en 1993, "  de toutes sortes de choses fort intéressantes et courantes, ... mais qu'on ne trouve pas dans nos dictionnaires (wallons). Si on fait semblant que tous ses sujets n'existent pas en wallon, il ne faut pas s'étonner si les gens n'utilisent pas le wallon pour parler de cela! Et dans ce cas, le wallon est mort. " (HEN 2)

Dès lors, puisque ni vous ni moi ne souhaitons que le wallon ne meure, il faut créer des néologismes. C'est la longue histoire que j'avais promis... de ne pas vous raconter (MAH 3). Mais li ci qui n'a nin s' dit èt s' disdit n'èstè nin d'avaurci, s'apinse lu Fauminwès. Je commencerais donc aujourd'hui, et je vous parlerai de la méthode la plus simple pour créer des néologismes. C'est l'extension du sens de mots préexistants en wallon.

Les peuls sont un peuple d'éleveurs vivant aux confins du Sénégal, du Mali et de la Guinée. Dans ce milieu polyglotte, ils ont essayé tout naturellement de moderniser leur langue pour lui permettre de résister tant aux langues officielles, qu'aux langues des ethnies majoritaires dans chaque pays. Comment un instituteur en langue peul pourrait-il enseigner à ses élèves les notions de méridien et de parallèle? Tout simplement en leur faisant lever les yeux! Alors, ils remarqueront que le toit de la case qui leur sert d'école est formé d'un réseau de lattes horizontales et verticales qui s'appellent en peul " ngorol " et " jurol" (CAL 1) Voici donc des mots tout trouvés pour désigner les méridiens et les parallèles. Et beaucoup plus suggestifs que les mots français équivalents, même pour un petit Parisien, puisque de ces deux mots, l'un est latin et l'autre grec. Je pourrais vous dire que le français, pour créer des nouveaux mots, a recours à des langues (latin et grec) qui ne sont pas comprises a priori par le francophone natif; que cette démarche élitiste contribue à exclure socialement de plus en plus de personnes, celles qui ne peuvent plus suivre les contorsions d'un langage de plus en plus sophistiqué. Mais alors, je ferais de la politique linguistique, et tel n'est pas mon but.

Revenons donc à nos méridiens. Ne pourrions-nous pas, en wallon, créer des néologismes de la même façon?

       

Revoyons la description de la vannerie à base de lamelles de coudrier, que nos aînés appelaient 'éclisses'. Vous n' savèz nin kèsku c'est d' ça pou yauk? Bin c'est des chinons, don, parèt! La dîjime chîje du "Ène bauke su les bwès d' l'Ârdène " su loume " les chinons èt l' chineladje " (MAH 1). Dj'î aprêrans comint sk'on fwèt in panî avu des chinons. L'examen de la structure du panier montre que les supports des lamelles,  les côres, son-st amantchêyes tourtoutes après les oûy (û les orèyes) du panî,  formant un faisceau convergent tout-à-fait semblable aux méridiens sur un globe terrestre (Figure 1).

Imådje n° 1: Li tchèrpinte d'on tchèna, avu les cwasses

Figure 1: Charpente d'un panier en lamelles de coudrier

Source: MAH 1

Ces supports s'appellent les cwâsses. C'est notre premier néologisme (Tableau n° 1). On pourra l'expliciter en ajoutant: les cwâsses dul tère, les cwâsses du glóbe, les cwâsses dul dagne.

 

Tåvlea n° 1: Noûmots è walond d' Transsine (Ne 12)

Tableau 1: néologismes en wallon de Transinne.

Tchamp

(domaine)

Mot francès

(mot français)

Noûmot walond

(néologisme wallon)

1. géographie

méridien

cwâsse (dul tère, du glóbe) n.f.

2. géologie

synclinal, vallée synclinale

chavêye n.f.

 

 

 

3. histoire

actualité

informatique

pirate des mers piraterie

pirate de l'air piraterie aérienne

pirate informatique

piratage de logiciels

hacneû d' batês hacnadje (du batês) n.m

hacneû d'avions hacnadje d'avions n.m.

hacneû d' programes n.m, hacneûse du ~ n.f.

hacnadje du programes n.m.

 

 

 

4. transports

péage autoroutier (l'institution)

barrière de ~

montant du ~

winadje n.m.

baurîre du winadje

taye du winadje n.f.

 

 

 

5. administration

informatique

liste

fichier

djvêye n.f. djvêye n.f.

 

 

 

 

 

Bien entendu, je crée mon néologisme dans mon wallon de Transinne. Mais, le mot " côte " existant à la fois en anatomie et en boucherie, il est facile d'adapter le mot à d'autres villages de la zone wallophone du Luxembourg Belge (Tableau n° 2).

Entre géographie et géologie, il n'y a qu'un pas. Savez-vous ce qu'est une vallée synclinale? C'est la partie concave d'un plissement géologique simple. Par exemple, la succession de synclinaux explique l'effet " montagnes russes " de la nationale 4 entre Namur et Ciney.

Le terme  chavêye , qu'on retrouve souvent en toponymie wallonne, et qui correspond à un chemin excavé, conviendrait parfaitement pour "synclinal, vallée synclinale " .

Par opposition au  vau , autre terme toponymique (Wézèlvau, toponyme de Villance, Barvau, Nolèvau, Plinnevau, villages), le synclinal, la (li) chavêye, ne renferme pas nécessairement de cours d'eau. Impossible de transporter du bois par flottage le long d'une vallée synclinale. Tiens, en parlant de flottage du bois, savez-vous comment s'appelait l'action de récupérer de bois flottant, arrivé à destination, à l'aide d'une longue tige surmontée d'un crochet en fer? Ç'astot hacner la vane, ça vut dîre apicer les bwès ki s'avint vnu aroker après la vane (la digue) d'in molin; les apicer, di-dj', avu ène grande longûye piêtche avu ène pike ou d'bout, come ène dint d'in havèt. Les ovrîs ki fjint ç't ovradje-là, ç'astot les hacneûs (Imådje n° 2) .

Imådje n° 2: les hacneûs

Figure n° 2: les ouvriers récupérant le bois flotté (hacneûs)

Source: Musée de la Vie Wallonne A33920b

Cette façon d'accrocher un matériel flottant pour en prendre possession, c'est typiquement le geste des pirates des mers. Quoi de plus naturel de les appeler " les hacneûs " ? Le terme s'applique parfaitement à deux sens modernes du mot 'pirate': pirate de l'air et pirate informatique. La piraterie aérienne et le piratage de logiciels, seront donc logiquement  lu (li) hacnadje. Quelle ne sera pas notre surprise lorsque, étudiant l'anglais, nous trouverons le terme hawkers pour les pirate informatiques! Il s'agit manifestement du même radical germanique hak signifiant crochet .

Tåvlea n° 2: Disfondûwes è walonds di sacwants viadjes di l' Hôte èt Basse-Årdène, èyèt li rfondûwe.

Tableau n° 2: Formes régiolectales pour quelques villages wallonophones de la province du Luxembourg, + forme normalisée.

Èrèzêye (Ma 19)

Erezée

Forîre

(Ma 46) Forrière

Bastogne

(B1) Bastogne

Lu Bork

(Ne 16)

Sint-Hubert

Lu Tchèstê

(Ne 1) Neufchâteau

Tchonvîye (Ne 43) Jéhonville

Rifondûwe (w) forme normalisée

 

 

 

 

 

 

 

 

1

 

cwèsse

cwasse

cwasse

cwasse

côsse (=cösse =cônsse)

côte

( = cöte

= cônte)

cwasse 

2

havêye

chavéye

chavée

chavéye

chavée

chavée

xhavêye

 

 

 

 

 

 

 

 

3

hacneû

hacneû

hacneû

hacneû

(h)acneû

(h)acneû

hacneû

 

 

 

 

 

 

 

 

4

winèdje

winadje

winadje

winadje

winadje

winadje

winadje

 

 

 

 

 

 

 

 

5

djîvêye

djîvéye

djîvée

djîvéye

djîvée

djîvée

djîvéye

Revenons à notre transport de bois par flottage. Quand, en 1718, un exploitant forestier de Masbourg vend 2000 cordes de bois coupé à un marchand de Dinant, i les dot bouler, ça vut dîre taper a l'êwe, ou winadje dul Masblète. Làddé, il alot payer ène takse ou sègneûr du Masbor, la taye du winadje . Cette taxe de transport, perçue également sur les voies terrestres, servait à l'entretien de ces mêmes voies, laquelle incombait au maître des lieux. Mais c'est exactement l'organisation actuelle des autoroutes payantes! Le péage (opération) sera donc lu (li) winadje et le péage (somme d'argent), la (li) taye du winadje.

Le bois flotté pouvait être déversé en vrac: ç'astot ène boulêye ou en radeau simulant un pont à claire-voie (in pont d' clôyes): ç'astot ène clèyonêye . Dans la  clèyonêye, les bois sont disposés perpendiculairement au sens du courant. Dans la djîvêye, par contre, ils sont placés dans le sens du courant, et solidarisés par des cordes . Cand i gn-avot in galop d'êwe, on bètchfèssot les bwès d' mine, èt on les loyot avu des cwâdes: ç'astot ça, là, ène djîvêye.

 

Ce terme, suggérant un alignement, une bande, pourrait provenir de l'impression laissée par les objets de cuivre alignés sur la tablette de cheminée, lu (li) djîvau. Dins in mènadje bin tnu, les ôbus èt les bon-dius d' cwîve fijèt ène bèle èt drète rîlêye su l' djîvau: c'est ça k'on z-è loumé, ou cmincemint, ène djîvêye. Ce terme fut très vigoureux - probablement à cause du caractére amèliorateur du décor intérieur que fut la tablette de cheminée - et donna des extensions spontanées. Ainsi, à Neuvillers (Ne 33 bis), pour rechercher des champignons, pou n-alè aus ôbissans, tchèkun prind eune djîvée dins l' tchamp .. Or Neuvillers se trouve en dehors de l'aire de distribution, en 1930, de djîvå ( = djîvå djîvau djîvâ) . Que de néologismes à créer à partir de ce mot djîvêye! Par exemple: une liste de mots, un lexique, c'è-st-ène djîvêye, ène djîvêye du mots. Un fichier dans la mémoire d'un ordinateur, ou sur une disquette, c'est co toudi ène djîvêye. D'ailleurs, ne dit-on pas, en englais 'a file', ce qui suggère la même notion de rangée d'éléments.

Ainsi, dans des domaines aussi divers que la géographie, la géologie, l'histoire, l'informatique, les transports, l'administration, nous avons créé des néologismes à partir de mots existants. Ceux-ci proviennent soit des métiers anciens (cwâsse, hacneû, djîvêye), soit du wallon des siècles passés, tel qu'il nous a été transmis par la toponymie (chavêye), ou les textes d'archives (winadje).

Mês, si vous vlèz bouter avu nous-ôtes ou duscloyadje d'in nû walond, i faut ku, vous-ôtes avu, vous kèrîche après des nûs mots, pou des cayèts ku v' counichèz mî k' mi. Èt pîs adon, ku v' cauzîche a walond, inte vous-ôtes, avu ces nûs mots-là. C'est pou ça ku dju v' les ê rmètu dins kékes ôtes sôrtes du walond. Pou k'i v' sanne k'i rèchèt fû d' vosse prope lingadje.

 

Ardans, les vayants!

Li 5 di décimbe 1993.


Chapitre 3

 

La création de néologismes par dérivation: formation du nom d'action.

Ci tecse la est ddja eplaidî cial.


Chapitre 4

Des néologismes pour parler du wallon en wallon

Avez-vous déjà lu les commentaires des anciens concernant telle ou telle oeuvre en wallon, nouvelle, poésie ou concours divers?

Nonna? Vos ènnè vu-djdju lére sacwants bokèts? Hay èvôye, dabôrd:

" Il serait curieux de relever les diverses évocations de saints dont le peuple émaille son langage expressif. "

" Avec un esprit gouailleur et dans une langue imagée sentant bon le terroir (...) "

N'alans nen pus lon. Vos avoz chûr vèyu l' neûd, di-st-i l' soyeû.

Les auteurs de ces commentaires sont eux-mêmes wallonophiles et même érudits de la langue wallonne. Se rendaient-ils compte que par cet esprit et par ce style, ils desservaient le wallon? En effet, ils créaient une distinction majeure entre utilisation du wallon, aussi raffiné soit-il, et utilisation de français qui servait à juger l'oeuvre wallonne. Consciemment ou inconsciemment, on faisait ressentir au lecteur et à l'auteur que l'oeuvre wallonne était un produit du peuple et que la critique littéraire était l'apanage d'une langue automatiquement supérieure.

Ce mécanisme par lequel l'intellectuel wallonophone se place en dehors du monde qu'il est censé défendre a été évoqué par André LEVEQUE sous le nom de " responsabilités amies " (LEV 1)

Il aurait été possible de critiquer une pièce wallonne en wallon. Pour ce faire, il aurait fallu simplement créer quelques néologismes, et emprunter quelques mots originaux dans les wallons voisins.

Dans l'ultime tentative entreprise actuellement pour rendre au wallon son statut de langue à part entière, il faut absolument que nous évitions de renouveler cette erreur. C'est pourquoi une de nos premières préoccupations doit être de créer des néologismes pour parler du wallon en wallon.

1. 'walon' ou 'walond' pour le français 'wallon' n.m. et adj.m.?

La seconde option a le mérite d'introduire un second élément d'identification graphique (le premier étant le L unique) par rapport au français. Cet aspect me semble important si on compte que la langue wallonne ne peut être ressuscitée qu'avec le concours massif du  walond è scole. Pédagogiquement, l'orthographe des mots qui se prononcent de la même façon en français et en wallon devrait obéir à la règle " soit le même, soit nettement différent ". Voici un premier argument en faveur de walond.

Le second est l'existence d'un féminin walonde, attesté au Dictionnaire Liégeois .

Une série d'autres arguments sont présentés par Albert LALLEMAND, un auteur wallon obscur d'Andenne (LAL 1). On sait que le mot " wallon " dérive d'un radical germain 'wael', par lequel les Germains désignaient les peuples étrangers, dont les Celtes situés à leur frontière occidentale. Ce radical se retrouve dans les noms suivants: wallon, Wales (pays de Galles), Gaule, gaulois et gaélique (langue celtique d'Irlande et d'Ecosse). 'Wallon' proviendrait d'un type Walmoundaria, pays de langue wael, dont les habitants s'appelaient walmonds ou encore almonds. Les toponymes suivants, formés à partir de ces mots, ont conservé un 'd' ou un 't' terminal: Fontinne-Valmont; Viamont (Vicus Walmond); Tirlèmont (anciennement Thiènèlmont = le seigneur walmond); Fèrnèlemont (Fort Walmond); li vôye Lalmand; li cinse Lalmand ( = Walmond).

Nous y ajouterons des arguments analogiques avec des féminins de noms des habitants d'une région, dont le masculin se termine par une nasale: flaminde; almande; romande. On pourrait y ajouter gaumète (qui pourrait s'écrire gaumède), le nom wallon des Gaumaises , et lorète, lorède (habitante de la Lorraine) .

L'étude des dérivés spontanés pourrait nous renseigner. Mais il n'en existe pas à ma connaissance. 'Walonîye' est une création récente, du temps où la Belgique était officiellement francophone. 'Walonerèye' est un néologisme liégeois postérieur au premier (PIR 1). De plus, n'oublions pas que le d disparaîtrait de certains dérivés en application de règles phonologiques wallonnes. Ainsi, " wallonnement vôtre " serait: ben da vosse, walondemint walon.nemint (comme fondemint fon.nemint).

On pourrait aussi proposer une sémantique particulière pour walon et  walond. Nous le verrons plus tard. Dans les dérivés qui sont des néologismes, nous aurons tendance à garder le d. Ainsi: {réhabilitation de la langue wallonne / r(i)walondijhadje}.

2. La Wallonie, les Wallons et les Wallonnes.

Nous réhabilitons une langue. Or, les limites de la langue wallonne telles que définies par MARECHAL en 1926 (GER 1) n'épousent pas les contours politiques de la Wallonie actuelle (Figure 1). Il est donc important pour nous de trouver des néologismes en wallon pour faire la distinction entre Wallonie politique et la Wallonie linguistique. La Wallonie politique inclut des zones dont la langue régionale est le picard, le gaumais, le champenois, le francique mosellan (luxembourgeois) et le plat deutsch rhénan (cantons de l'est). La Wallonie linguistique comprend la zone française de la botte de Givet (et au siècle dernier également un village grand-ducal). Nous avons trouvé ces termes dans le vocabulaire déjà existant et par spécialisation de sens, nous appellerons la Wallonie linguistique 'li Walonerèye' et la Wallonie politique 'li Walonîye'. On pourrait dès lors fixer que walon, walone = se rapportant à la Wallonie politique, et walond, walonde = se rapportant à la Wallonie linguistique. On aurait les phrases suivantes:

Pol walond raviker, les djonnès méres walondes divrint cåzer walond à leûs èfants pattavå l' Walonerèye " et " Dins les annêyes 1960 èt dès, les Walones avint cåzu deûs côps mons d'èfants k' les Flamindes; après, c' côp-là, li porcintadje di skèpiance (le taux de natalité) s'a rabloncé (rééquilibré) des deûs costés dèl Bèljike ".

K'ènnè djhoz?

3. Les cwanes dèl Walonerèye.

Les linguistes wallons définissent actuellement quatre zones en Walonerèye (Wallonie linguistique): 1° l'Ouest-wallon ou zone wallo-picarde, avec la Fagne, le Centre, Charleroi et Nivelles; 2° le Centre-wallon, avec la Famenne, le Condroz namurois, Namur et le Brabant wallon; 3° le Sud-wallon ou zone wallo-lorraine, équivalant à la partie de l'Ardenne au sud de la Nationale 4 Marche-Bastogne; 4° l'Est-wallon avec Liège, la Hesbaye, la Haute-Ardenne et le pays de Herve.

Aucun des termes français désignant ces quatre parties ne présente une structure aisément wallonisable. Nous avons préféré créer des termes à partir du centre de la région, à l'aide d'un suffixe signifiant: " qui provient de la région de... " Ce suffixe est celui du mot cinerèsse désignant une faux provenant de la région de Ciney . Cette nuance convient parfaitement pour désigner nos régions linguistiques. Ainsi 'formes est-wallonnes' sera lîdjrèsses (lîdjerèsses); 'forme centre-wallonnes' nameurrèsses (nameur'rèsses). Restent le Sud et l'Ouest qui n'ont pas de centre précis.

Le Sud-wallon a la chance d'avoir une frontière linguistique méridionale nette: il s'agit de la Lorraine belge qui parle gaumais. Au nord-ouest, la ligne concave Vonèche-Forrière-Marche, séparant le Centre- et le Sud-wallon, correspond presque exactement à la limite Famenne-Ardenne. A l'est, la limite est celle de la frontière linguistique avec les langues germaniques du groupe luxembourgeois. Au nord, la limite avec l'Est-wallon est assez bien marquée par une concentration d'isoglosses (GER 1), notamment par l' apparition de l'H aspiré. La zone de l'Ardenne phonologiquement est-wallonne correspond à ce qu'on appelle la Haute-Ardenne. Le terme Basse-Årdène a donc été choisi pour désigner le Sud-wallon. Les formes sud-wallonnes seront les bassårdinerèsses. L'usage ultérieur pourra peut-être assimiler la succession de consonnes r - d - n et simplifier en bassånerèsses. En liégeois, le r est déjà tombé dans ådneû = (péj.) ardennais. Qu'en pensez-vous?

Il nous reste l'Ouest-wallon. C'est une région très hétérogène au niveau de sa géographie physique. Ses limites avec les zones voisines picarde et namuroise sont celles qui sont les moins bien marquées dans toute notre géographie linguistique . Néanmoins, la région a été étudiée très tôt par une personnalité remarquable, Adelin GRIGNARD et ses limites ont été finalement bien définies . Il y existe une solide tradition wallonophone, naguère à Nivelles et jusqu'à présent à Charleroi (èl Bourdon) et dans le Centre (èl mouchon d'aunia). Nous avons retenu les deux premières villes dans notre néologisme: {formes ouest-wallonnes / châlaclotrèsses}. Aclot  est le nom wallon original des habitants de Nivelles. Il provient d'une forme archaïque de Johannes et signifie " ceux de Jean (de Nivelles) " .

Ci n'est nen l' tot d' trover les noms po cåzer d' li-minne. I nos fåt co loumer nos vijins. Eyet co pus rade trover des mots po cotuzer (étudier ) l' walond è walond. Dju vièrans ( = nos vièrans) çoulà on ôte côp. Avu ci ptite èsplikêye-ci, on veut dèdjà on pô mî come on vike (on voit mieux l'état des lieux).

Imådje n° 1: Li cårte dèl Walonîye

Figure 1: Carte de la Wallonie

Li 30 d'avri 1994  


Chapitre 5

 

Hièle, chwèle, scûle ou scwale [écuelle], quelle forme utiliser dans le néologisme {antenne parabolique / antène-[écuelle]}?

ou: le problème de la normalisation du phonème h ch sk (l'ascwèlante huflêye)

 

Ci tchaptrê cial est metou lu tot seu.


Chapitre 6

 

Concevoir des néologismes dans son wallon, puis les normaliser.

Li paskêye des parints da [sembler]

I . Do racawia divant d' apougnî (digression-préambule )

Le centre d'information et de documentation pour le wallon à l'école dans le Luxembourg (CIDWEL) est un paradis pour le wallonophile. Patiemment constitué depuis les années 1975 par l'abbé Raymond MOUZON, l'âme du sud-wallon, il contient tout ce que la belle province a produit en matière de wallon (et de gaumais), ainsi que de nombreux ouvrages en provenance des quatre coins de la Wallonie linguistique (des lîves ki provnèt des cwate cwanes dèl Walonerèye). Entre autres: " Textes (wallons) d'Ardenne liégeoise, nord de la province du Luxembourg et sud de la province de Liège " , un mémoire de Christiane Widar . Cette région est intéressante à plus d'un point de vue. D'abord, c'est la patrie de Louis Remacle, un des tout grands noms du wallon. Ensuite, c'est une zone qui, à l'abri de l'influence urbaine francisante, a gardé purs de nombreux traits originaux du wallon, dont la conjugaison du subjonctif imparfait. Enfin, cette zone constitue une transition entre l'est et le sud-wallon, avec même une certaine influence centre-wallonne. De ce fait, elle va être une source d'inspiration pour les rfondeûs, c'est-à-dire ceux qui travaillent activement à l'établissement d'une langue wallonne écrite commune, li rfondu walond.

Une des techniques pour normaliser (po rfonde) un mot wallon, c'est-à-dire lui donner la forme qui sera retenue en rfondu walond, est d'en rechercher la forme dominante (li pus lådje oyûwe). Ainsi: viadje, tchèsseû, mèstî, tûzer. Dans d'autres cas, on choisira une forme typiquement wallonne (li pus peûrmint walonde), la forme dominante étant trop proche du français, soit d'origine, soit par francisation. Ainsi djîbî, tchivrou, tchèke, bracnî seront retenus aux dépens des dominantes jibier (ju-), chèvreû, chake, braconier. Parfois, pour des raisons de co-dominance de deux formes typiques (suffixe '-ê' '-ia'), ou pour conserver plusieurs formes intrinsèquement wallonnes (h ch, h j, h ch sk), on aura recours à des graphies globales interprétatives, les bètchfèssés scrîjas, comme ea, xh, jh, (s)ch .

Ailleurs, nous utiliserons  li rfondadje pa rîlêyes, qui est une sorte de normalisation en série. Comme par exemple: cûre (cuire), cûr (cuir), lûre (luire), dispûs (depuis), nût (nuit), sûre (suivre), r(i)çûre (recevoir) (HEN 2). Ou encore: cwarème, scwêre (équerre), cwate, cwinze, cwite, cwèri (figure 1)

Imådje n° 1: L'atrocla 'cw-'

Figure n° 1: Le groupe 'cw-'

Nous observons dans ce cas qu'une forme dominante (cwarème) entraîne la dominance {cw- > (c- = qu- = k-)} de sa série. On pourrait également traiter de la sorte le groupe {labiale (ou labio-dentale) + semi-voyelle w + ê / in} (l'atrocla lèprinne u lèpèdintrinne + wawlante + ê / in). Dans ce cas, les formes dominantes fwim, pwin, mwin, samwinne, mwês (mauvais, fâché) entraîneraient les formes moins répandues mwêsse (maître), pwêre (paire), fwêt (fait), afwêre (affaire). Dans ces deux  rîlêyes, il suffirait au lecteur habitué aux formes sans w de faire abstraction de cete dernière. Dans le premier cas, il n'y a même pas d'inflation de lettres, puisque nombre de ces mots sont déjà couramment orthographiés avec  qu- (quate, quinze, quite). Pour cwate, cwinze, cwite, pwêre, fwêt, l'option retenue est aussi le seul élément de différenciation avec le français, et on pourrait donc invoquer en outre la règle de l'originalité. Un autre avantage de ces séries est de préserver des mots de zones excentriques, toujours défavorisées par la méthodologie du rfondadje: l'Ouest pour le û de nût, dispûs; le Nord-est est pour cwate, cwinze; l'ouest du Sud et le sud de l'Ouest pour mwêsse (figure 2), pwêre, fwêt, afwêre. De plus, pour la troisième série, l'insertion de la semi-voyelle w derrière une labiale (comme m ou p) ou une labio-dentale (comme f) suivi d'une voyelle très ouverte (ê / in) est un phénomène physiologique normal en débit lent . Or, le débit de lecture du rfondu walond sera nécessairement lent.

Imådje n° 2 Li cårte di [maître]

Figure n° 2: La carte de [maître]

Une cinquième technique de normalisation est la recherche d'une forme médiane (one mîtrinne), éventuellement existante dans des zones de transition. Cette démarche est d'autant plus importante qu'une des options pour la langue wallonne écrite commune est d'utiliser on mîtrin walond, c'est-à-dire " cåzu come on vrêy walond, onk k'on cåze po d' bon ètur Måtche, Cînè, Nameur, u avårlà " . C'était d'ailleurs la philosophie de " Quelques propositions en vue de l'établissement d'une langue wallone écrite commune. " (HEN 2).

C'est avec cette optique que je lisais " Textes wallons d'Ardenne liègeoise ", lorsque mon attention fut attirée par:  d(i)zan.n'ner.

II. Li corin di m' papî (le coeur de mon article)

d(i)zan.n'ner: éparpiller le foin (préalablement rassemblé en andains).

Cette opération se fait souvent à la hâte, sans bon vouloir: On dzanne cand il est pou plûre, poul fènadje aler pus vite; ca après, ç' côp-là, i rfaurè rahugner (remettre en andain) pou picuber (presser); û tchèrier an vrac, cwè, dins l' tins.

Cette désintégration d'un tout unifié (l'andain) se faisant rapidement et sans gaieté de coeur n'était pas sans rappeler les phénomènes qui se passaient en même temps dans l'ex-U.R.S.S., particulièrement dans le Caucase. C'est ainsi que naquirent les néologismes suivants: {éclatement / d(i)zannadje}; {balkanisation / d(i)zannance}. Nous respections les nuances des suffixes '-adje' (un acte de peu de durée, comme l'éclatement de l'U.R.S.S.) et '-ance', phénomène durable (balkanisation du Caucase), comme expliqué au chapitre 3 (voir p. 31).

Maintenant, il fallait normaliser. D(i)zan.n'ner n'existe pas dans mon wallon natal (dju dîrins pus vite: rustaurer ou fûr, staurer les bates, rustaurer les hugnes). Néamoins, sa phonologie m'est très agréable car elle ressemble à celle de d(u)zêwer: priver d'eau.  Dju si fin dzêwé, di-st-èle la sôlêye cand èle mousse ou cafè. Dès " La p'tite coumére avu la blantche camisole " (MAH 2), j'en avais tiré des néologismes: {déshydraté / d(u)zêwé}; {déhydratation / d(u)zêwadje}; {désertification / d(u)zêwance}. En effet, je m'étais beaucoup intéressé, dans mon domaine professionnel vétérinaire, au traitement de ce symptôme. S'étaient alors créés tout naturellement: {réhydrater / ranêwer}; {réhydratation / ranêwadje}; {réhydratant / ranêwant}; {sels de réhydratation / ranêwants sés}.

Il faut normaliser, disais-je. D(i)zan.n'ner me paraissait (à tort ) être une forme régiolectale équivalant à  dus'san.ner,  désassembler, puisque nous avons à Transinne: sembler / sanner; rassembler / rassanner, ensemble / èssanne . On avait bien à faire à un désassemblage  de l'herbe coupée. Dès lors, il suffisait de normaliser le radical [ sembler]. Pour ce faire, il fallait aligner les formes de [sembler] ou de ses dérivés les plus communs (ressembler, assembler, ensemble) à partir des 16 dictionnaires de base du wallon, quatre par région (Tableau 1).

Tåvlea n° 1: Sâze dicsionêres (des cis co à vnu) po rbate les djîvêyes di mots do walond

Tableau n° 1: Seize dictionnaires, dont certains en préparation, pour quadriller les richesses lexicales du wallon

(rèlîs pa T. DUMONT L. HENDSCHEL, èyet J. VIROUX)

(sélectionnés par ...)

Dèmon les lîdjrèsses (dictionnaires est-wallons)

 

HAUST, J.

1948

Dictionnaire français-liégeois

Vaillant-Carmanne, Liège

REMACLE, L

1980

Glossaire de La Gleize

S.L.L.W., Liège

SCIUS, H.

1893

Dictionnaire de Malmédy

Le Pays de St-Remacle, 1963 sv.

WISIMUS, J.

1947

Dictionnaire populaire wallon-français en dialecte verviétois

Ch. Vinche, Verviers

Dèmon les nameurrèsses (dictionnaires centre-wallons)

 

LEONARD, L.

1969

Lexique Namurois

S.L.L.W., Liège

PIRSOUL, L.

1934

Dictionnaire wallon-français, dialecte de Namur

?, 2e éd., Namur

HOSTIN, R.

1975

Contribution au dictionnaire du parler de Ciney

Centre Culturel cinacien, Ciney

WASLET, J.

1923

Vocabulaire wallon-français (dialecte givétois)

E. Laroche, Sedan

Dèmon les châlaclotrèsses (dictionnaires ouest-wallons)

 

CARLIER, A.

1985

Dictionnaire de l'Ouest-wallon

Association Littéraire de Charleroi

COPPENS, E.

1962

Dictionnaire aclot français-wallon parler populaire de Nivelles.

Fédération wallonne du Brabant, Nivelles

DEPETRE, F. & NOPERE, R.

1942

Petit dictionnaire du wallon du centre (La Louvière et environs)

Imprimerie commerciale et industrielle, La Louvière

BALLE, A.

1963

Contribution au dictionnaire du parler de Cerfontaine

Michiels, Liège

Dèmon les bassårdinerèsses (dictionnaires sud-wallons)

 

TWIESSELMANN, F.

1994

L' patois d' Bouyon

Ed. DIRE, Treigne, 2e éd.

FRANCARD M. et al

1995

Dictionnaire des parlers wallons du pays de Bastogne.

sous presse

MOUZON, R. et PIERRET, J.M.

 

'Dictionnaire du pays de Neufchâteau'

en préparation

MAHIN, L.

 

'Projet d'enrichissement du lexique de 'ène bauke...'

en projet

 

Je n'ai pas fait ce travail. Si vous voulez le faire à ma place, vous vous exclamerez sûrement:  Doûs Jézus Mizèricorde!  A moins que vous ne soyez pas croyant, auquel cas  on z-ôrè pèter les mildjus! Comment en effet trouver une forme dominante de chèner, choner, cheuner, sonler, sonner, soner, sanler, sanner, sans parler des formes à finales verbales et -i.

Mais, comme je le disais naguère, reprenant la formule d'Erezée: " Li Bon Diu n'avoye nin l' fa sins l' sorfa ". Il existe une carte au niveau de l'Atlas Linguistique de Wallonie (ALW) pour au moins un dérivé de " sembler ". C'est la carte ALW 1.34 [ensemble].

La multiplicité des formes est déconcertante! Dans un premier temps, nous avons retenu deux formes normalisées centrales: une pour le groupe centre-ouest, qui utilise ch-, et une pour le groupe est-sud qui utilise s-. Il s'agit respectivement de choner et de sonner (Encadré n° 1).

 

Fignèsse n° 1: Li rfondadje di [sembler]

Encadré n° 1: Normalisation de [sembler]

A Li prèmîre saye (premier essai)

 

fouyou di rfondadje n° LM 16

 

è francès: sembler

è walond:

(o) (c) (s) (e)

chèni, chèner chonè, -er san.ner, sanler, son.ner

san.nè, sonè sonler

è rfondu walond:

son.ner, choner

Lîves riwêtîs: DOW, LN, DL, PT (sonè), PB (rësan.ner), BBA p.251 (san.nance), Walo + (ressembler), ALW 1.34 (ensemble); RWPDj 1, p.81 (ensemble)

Sôrte di rfondadje: li pus lådje oyûwe one bètchfèssêye rifondadje pa rîlêye

li pus peûrmint walonde one mîtrinne rifondadje pa bokèts

ôtes sôrtes: one dobe mîtrin.ne

Sacwantès apinses di rawète: ch- et s- sont co-dominants et sont représentés dans la zone centrale (Marche-Namur-Huy); formes nasalisées seulement au sud et à l'est; finale verbale -er dominante sur et -i. Verbe du premier groupe.

 

En adoptant le principe d'one dobe mîtrinne, nous encouragions l'idée d'une double normalisation du wallon en une forme standard " est-wallonne" et une forme standard " centre-wallonne " (GER 2) (HEN 4). Or, en fait, nous sommes plutôt défavorables à un tel processus, au nom des  bassårdinerèsses et même des châlaclotrèsses .  Ces deux zones, celles qui devront faire le plus de concessions, ne souhaitent pas s'intégrer dans une langue wallonne écrite demi-commune.

On pourrait peut-être utiliser un autre technique à partir de ces deux  mîtrinnes : li rfondadje pa bokèts. Dans cette méthode, on scinde le mot en plusieurs parties, qu'on normalise séparément pour reformer  one rifondûwe  pa raboktadje. Dans le cas choner / sonner, on obtient immédiatement: chonner.

 

B Li deûjinme saye (li bone) Second essai

 

fouyou di rfondadje n° LM 16 rlj 2 ()

 

è francès: sembler

è walond:

(o) (c) (s) (e)

voir fiche LM 16

è rfondu walond:

chonner (chon.ner)

Lîves riwêtîs: Carte ALW 1.34 [ensemble]

 

Sôrte di rfondadje: li pus lådje oyûwe one bètchfèssêye rifondadje pa rîlêye

li pus peûrmint walonde one mîtrinne rifondadje pa bokèts

ôtes sôrtes:

Sacwantès apinses di rawète: on trouve cette forme dans deux points de transition, Ambresin, W 59) et Falmignoul (D 68). On l'obtient théoriquement par collision des deux formes médianes (fouyou LM 16).

Comme déjà signalé p.15, nous n'utilisons pas le point sur la ligne en rfondu walond. Le point sur la ligne est une graphie transitoire, du temps où on connaissait le wallon de naissance, et où on devait le lire sans information théorique. Le point sur la ligne oblige le lecteur à prononcer la nasale suivie de n et ne pas se tromper de prononciation en pensant à un double n: mon.ner; sin.ner; tran.ner. Il a encore sa place pour l'apprentissage des débutants dans des variétés locales de wallon. Quant au wallon de demain, il sera basé sur une solide formation théorique ou ne sera pas. Dès lors, en rfondu walond, nous supprimons le point sur la ligne, rejoignant ainsi l'orthographe classique liégeoise. Notons que le plus grand des auteurs sud-wallons, Joseph Calozet, ne l'utilisait pas non plus. Le point sur la ligne n'est pas adapté à une langue destinée au grand public. Comme la minute (apostrophe terminale comme dans nut', sés', flachis'), c'est un signe d'orthographe phonétique. Je me souviens encore des premiers engins d'imprimerie informatisés qui mettaient systématiquement une majuscule après un point. On trouvait ainsi dans ces textes: min.Me; pwin.Ne; lin.Ne. Et si vous voulez inscrire votre fille Jislin.ne sous cette forme à l'état civil, croyez-vous qu'on acceptera  ci scrîjadje di Sint Nicolês-là ? D'autant plus que certains auteurs, et non des moindres, n'utilisent pas le point sur la ligne entre deux voyelles, mais le tiret: ri-ukè. Kéne ècramîrîye! Retournons donc, en rfondu walond, aux graphies du Dictionnaire liégeois et de " O payis dès sabotîs ", et écrivons {sembler / chonner}. Pour une fois, on ne pourra pas nous accuser de proposer des réformes révolutionnaires.

Reprenons maintenant la carte de [ensemble] (figure 3). Quelle n'est pas notre surprise de constater que la forme  chonner existe bel et bien dans deux zones de transition entre l'influence ouest-centre et celle est-sud. Il s'agit de Ambresin (W 59) et Falmignoul (D68), d'ailleurs assez éloignées géographiquement.

Imådje n° 3: Li rfondûwe 'chonner (chon.ner)' ègzistêye bèl èt bin

Figure n° 3: La forme normalisée hybride chonner (chon.ner) existe naturellement.

Voici donc parfaitement la définition d'une  mîtrinne . Nous retrouvons le même résultat que quand, à partir de données très partielles, j'avais normalisé [chenille] .

(s)

(o)

(c)

(e)

r.w.

ouline, olène

alène

alène

halène

holène

 

 

 

 

 

Or cette forme holène existe bel et bien à Tenneville.

A partir de la forme normalisée chonner, nous obtenons facilement les  rfondûwes  des dérivés de [sembler], mais aussi de [trembler] dont la phonologie est souvent parallèle (Tableau 2).

 

Tåvlea N° 2: Les rfondûwes des parints da 'chonner' èyet 'tronner' (vîs èt noûmots)

Tableau n° 2: formes normalisées des dérivés de [sembler] et [trembler] (mots classiques et néologismes)

Li scrèt

è francès

Tchamp

è rfondu walond

Parints

da chonner

 

 

nnm

sembler

général

chonner

nnm

semblant (faire ~ )

général

2. chonnance (fè ~ )

nnm

d'après moi

général

chonnance (à m' ~ )

LM 307P9

suspicion

médecine

chonnance

LM 307P10

présomption

juridique

chonnance

LM 307P12

suspecter (je suspecte un cancer)

médecine

chonnance (à m' ~ , c'è-st-on cancêr)

LM307 P11

présumer (je présume que...)

droit

chonnance (à m' ~ , c'est...)

LM 307P24

simulation (scientifique, technique)

technologie mathém.

chonnadje

nnm

ensemble adv.

général

èchonne

LM 307 P8

cartel

économie

èchonna

nnm

ressembler

général

r(i)chonner

nnm

ressemblance

général

r(i)chonnance

nnm

ressemblant

général

r(i)chonant, adj.

LM 307P21a

synonyme s.m.

linguistique

r(i)chonnant, s.m.

LM 307P21b

synonymie

linguistique

r(i)chonnance (di sins ètur mots)

LM 307P21c

synonyme adj.

linguistique

à rchonnant sins

LM 307P21d

synonyme (être ~ )

linguistique

r(i)chonner (si ~ pol sins)

nnm

rassembler

général

rachonner

nnm

rassemblement (acte)

général

rachonnadje

nnm

rassemblement (= personnes rassemblées)

général

rachonnemint v. ratropla

LM 307P22

rassembleur

politique

rachonneû

LM 307P14

union (dans le nom d'un parti)

politique

rachonnance

307 P14 ègz

Union Culturelle Wallonne

culture

Rachonnance pol Tûzance dèl Walonerèye, dèl Walonîye

LM 307P16

réunion (dans le nom d'un parti)

politique

rachonnance

307 P16 ègz

Réunion pour la Démocratie

politique

Rachonnance pol Dèmocracîye

nnm

assembler (des personnes)

général

rachonner

nnm

assemblée

général

rachonnêye v. raploû

LM 307 P19

se concentrer (troupes, motards)

général

si rachonner (po des sôdârs, des motârs)

LM 307 P19

concentration (de troupes, de motards)

général

rachonnadje (di sôdârs, di motârs)

LM 307P23a

assembler (des objets)

général

achonner

LM 307P23b

assemblage (acte)

technologie

achonnadje

LM 307P23c

assemblage (modèle d' ~ )

technologie

achonna v. èmantcha

LM 307P23d

assembleuse (machine d'imprimerie)

technologie

achonnerèce

LM 307P23e

assembleur (langage ~ )

informati-que

achonnant (lingadje ~ )

LM 307P23f

assembleur, -euse (ouvriers d'imprimerie)

technologie

achonneû, -se

LM 307

disloquer

général

dischonner

LM 307P 1

dislocation (d'une foule, d'un nuage)

général

dischonnadje

LM 307 P2

éclatement (d'un pays)

politique

dischonnadje

LM 307 P3

éclater (pour un pays)

politique

si dischonner

LM 307 P4

dislocation de la famille (état de ~ )

société

dischonnance dèl famile

LM 307 P5

balkanisation

politique

dischonnance à môde des Balkans

LM 307 P17

désintégrateur

science-fiction

dischonnerèce

Parints

da tronner

 

 

nnm

trembler

général

tronner

nnm

peuplier tremble

général

tronne

nnm

tremblement (acte)

général

tronnadje

LM 318P2

tremblement parkinsonien (être atteint de ~ )

médecine

tronna d' Parkinson (avu li ~ )

LM 318P1

parkinsonien (= malade ~ )

médecine

tronnant Parkinsonî

LM 318

tremblotte (chronique)

général

tronna s.m.

LM 318P4

tremblotter

général

tronniker

nnm

tremblant (de froid, d'émotion)

général

triyanant

LM 318P6

tremblottant (d'une main ~ e)

général

tronnicante (avu s' ~ mwin)

LM 318P1

tremblotte (passagère)

général

tronnicadje

nnm

tremblement de terre

géologie

tronnemint d' tère

nnm

(fam) tremblement (tout le ~ )

général

tramblumint (tot l' sint ~ )

LM 318P3

parkinsonienne (maladie ~ )

médecine

tronnica s.m.

LM 318P10

anti-parkinsonien (médicament ~ )

médecine

siconte li tronnica, li tronna (r(i)méde ~ )

LM 318P11

rechuter après traitement anti-parkinsonien

médecine

r(i)tronner

LM 318P12

rechute (parkinsonien)

médecine

r(i)tronnadje

 

C'est ainsi que nous avons pu enfin vous présenter les formes normalisées des néologismes dérivés de [sembler]. Vous voulez des  disfondûwes ? Vous pouvez vous en donner à coeur joie (Tableau 4).

Tåvlea N° 4 : Sacwantès disfondûwes di 'dischonnadje' èyet 'tronnemint'

Quelques disfondûwes de [désassemblage] et [tremblement] (de terre)

 

N° ALW

Localité

[sembler] [trembler]

Li scrèt

è francès

è walond

[ désassemblage ]

[ tremblement]

r.w.

Wallonie

Walonerèye

dischonnadje

tronnemint

L1

Liège

Lîdje

dissonnèdje

tronnemint

W66

Haneffe

Hènèfe

dissonnèdje

tronnemint

Ma1

Marche

Mautche

dissonnèdje

tronnemint

L113

Sprimont

Sprimont

dissonlèdje

tronlemint

B4

Vielsalm

al vî Sâm'

disseunèdje

treunemint

B22

Longchamp

Long-tchamp

dissonadje

tronemint

D132

Naomé

Nayômé

dëssanladje

tranlemint

Ne11

Redu

à Rdû

dussannadje

trannemint

Na1

Namur

Nameur

dischonadje

tronnemint

Ph15

Morialmé

Môriamé

discheunâdje

trannemint

Ch43

Jumet

Djumèt

dischènâdje

triyanemint

D68

Falmignoul

Falmignoûle

dischonnadje

tronnemint

Remarquons pour terminer que dans de vastes régions, disch- va s'assimiler en dichch-, comme duschinde dans le sud-wallon. Cette caractéristique est facilement prononçable. Par contre, l'effet obtenu en intégrant dans l'orthographe ce ch redoublé (ch'ch: dich'chonner), est assez barbare. Nous l'éviterons donc en rfondu walond.

I n' fåt nen z-èsse pus catolike ki l' pâpe!

Li 19 di djun 1994


CHAPITRE 7

Le symbolisme des sons et la création de néologismes.

 

Ci tecse la est ddja eplaidî cial.