Jean-François Brackman.

Djan-Françwès Bracman.

 Dressêye:


Réflexion sur la normalisation de l'anglais il y a 500 ans.

Comint scrîre?

Bamwé, no lingâdje come on l' cåze asteure è fôrt kindji du cé k' on cåzet cand dj' ê vnu å monde. Ca nozôtes, les Walons, nos vnons, azård, å monde dizou l' sine del Leune, ki n' dimere jamwês l' minme mins ki kindje toudi, crèchant in côp et rastrindant l' ôte côp.

Et l' simpe walon k' on cåze n' est nén l' minme dins in vilâdje come dins èn ôte.

Si bén tant k' anawêre, gn è yu des martchands su in batê su Moûse, ki, atindu k' i gn avet pwet d' vint, ont dvu rdjonde li bôrd, et ont sti a tere pou si rpôzer. Et gn avet yink, k' on loumet Djôzef, in côrbiji, k' è rintré dins in café, et ki dmande a mindji, ou putot, pou esse pus djusse, ki dmande des yeus. Et l' fame lî respond k' èle ni sét cåzer l' francès. Et l' martchand astet mwês, pask' i n' savet nén cåzer l' francès non pus, mins i vlet des yeus, et èle ni comperdet nén.

Et pou fini, èn ôte boulome k' i gn avet la è dit k' c' astet des oûs, k' i vlet. Adon l' fame è dit k' elle avet compris.

Vinguète ! Cwesk' on deut scrîre asteure: oû ou yeu? Bén sûr, c' est malêji d' fwêre al môde di tourtous cand i gn è des difèrinces insi dins l' lingâdje. Paski ces djoûs ciâl, kékin k' è ene boune rèputåcion dins l' payis duvrè cåzer d' ene maniére k' i gn årè wêre di djins pou comprinde. Et kékes bwè-z et onêsses èployis m' ont dné l' consèy di scrîre avè les mots les pus wasses [bizarres] ki dj' pôrè trover.

Dabôrd inte les grossis et les wasses, dji dmere d' asto. Mins, a mi idêye, les mots di tous les djoûs sront les cés ki sront pus êjis a comprinde ki les mots du viè walon.


Adaptåcion du prolôgue du scrijâdje " Eneydos " ki l' Anglès Caxton è scrît è 1490. Dj' ê metu " walon " al place di " Englyshe ", " Moûse " al place di " Tamyse ", " oûs " et " yeus " al place di " egges " et " eyren ", etc... Accent de Fumay (France) : an se prononce souvent on (cond, i dmonde, martchond); bén, nén se prononcent bè, nè; ome, boulome se disent ame, boulame; nous avons conservé les formes originales bwè pour bon (bwè-z et onêsse = bon-z et onêsse)


Jean-François Brackman, nén co eplêdè (inédit), 1997.

Commentaires: L'imprimeur Caxton a été à l'origine de la normalisation de l'anglais. Il plaide donc ici pour l'utilisation des termes courants, fussent-ils francisés (l'anglais a plus de 50 % de termes d'origine latine). Il n'est pas favorable aux termes purs, plus anciens, mais incompréhensibles par la plupart de locuteurs. Il rejette aussi systématiquement les mots grossiers. Le rôle qu'a joué l'édition dans la normalisation de l'anglais au 15e siècle peut-il être joué par Internet au 21e siècle ?


Témoignages de raprindisses

De Gembloux et Fumay vers la Wallonie toute entière.

D'un wallon à l'autre

par Jean-François Brackman

Quand j'avais 18 ans, je n'avais pas vraiment conscience de l'existence du wallon en tant que langage ou dialecte indépendant du français. Je connaissais tout au plus quelques mots et expressions entendus à la maison ou à l'école. Je les trouvais amusants, sans plus.

Ce fut grâce à un séjour d'un an aux Etats-Unis que je me rendis compte de l'existence du wallon. Là-bas, je découvris des ouvrages consacrés aux dialectes celtiques de Grande Bretagne: cela m'intrigua beaucoup car je n'en avais jamais entendu parler. De retour en Belgique, je dénichai dans une bouquinerie quelques petits ouvrages en wallon. À mon grand étonnement, je voyais qu'en Wallonie aussi, nous avions des dialectes, et que le wallon ne

se limitait pas à quelques mots dont on pouvait agrémenter les phrases en français.

Au début, je ne comprenais pas grand chose de ce que je lisais: ma mère m'aida beaucoup. Je m'aperçus rapidement que mon père, originaire de l'ouest du Hainaut, se réclamait d'un dialecte fort différent. Etant donné que j'habitais Gembloux, j'étais plus sensible au wallon qu'au picard.

Dès ce moment, je fis attention à la façon de parler de mon entourage et je repérai de nombreux mots wallons qui m'étaient passés inaperçus jusque-là.

Peu après, les Rèlîs Namurwès organisèrent à Gembloux une conférence sur l'abbén Henin, un ardent défenseur du wallon et écrivain à ses heures. Je découvris à cette occasion la valeur littéraire que pouvait avoir le wallon.

C'est alors que j'achetai Les têres dau Bon Diè, petit roman écrit par l'abbén Henin: le premier long texte que je lus en wallon.

Ce fut loin d'être une lecture facile ! Mais mon intérêt grandissait, ainsi que ma connaissance du wallon. Je fis bientôt d'autres acquisitions, en me cantonnant aux dialectes namurois. Les dialectes liégeois et de Charleroi me paraissaient alors "disgracieux".

Enfin, par jeu, j'essayai d'écrire moi-même un petit texte en wallon. Mais dans quel wallon? Le choix le plus logique me sembla être le wallon de Gembloux, ou j'habitais. Je m'efforçai à tout prix de rassembler le plus possible de mots en wallon de Gembloux afin d'avoir un stock de mots "utilisables" (ex: à Gembloux, on dit "pouchêre" et non pas "poussêre" !). Je montrai mon premier texte aux Rèlîs Namurwès. Quelques corrections, beaucoup d'encouragements, et bientôt mon texte était publié dans les Cahiers Wallons. L'attitude très encourageante qu'ils avaient à mon égard me poussa à me perfectionner dans ce "hobby" étrange: apprendre le wallon et l'écrire.

Cependant, je faisais face à un dilemme: de nombreux mots wallons parmi ceux que je connaissais depuis mon enfance, et que je voulais utiliser tout naturellement dans mes textes, étaient inconnus à Gembloux. D'où venaient-ils? Ma mère et ma grand-mère n'avaient pas toujours habité Gembloux: certains mots que je connaissais étaient originaires de la région

de la botte de Givet, voire même exclusivement de Fumay, en France, d'où provenait la famille de ma mère. Le résultat est que le wallon que je connaissais était un mélange de Gembloutois et de Fumacien, plus quelques mots glanés ça et là au hasard de mes lectures. Mais le contexte des Cahiers Wallons se prêtait mal à un wallon hybride.

A peu près à la même époque, je fis la connaissance, directement ou indirectement, de quelques membres fondateurs de la Ranteule et partisans du rfondu walon. Je découvris que dans le petit monde des wallonophiles, il pouvait y avoir des opinions divergeantes.

Grâces à de multiples échanges d'idées, je perdis le "complexe" qui me freinait quant à l'utilisation d'un wallon hybride. D'autre part, je me mis à lire des textes écrits dans toutes sortes de wallons. Par curiosité, je cherchai à mieux connaître le dialecte fumacien, ce wallon parlé en France. Il m'arrive actuellement de l'adopter dans mes textes.

Le parle-t-on encore vraiment dans cette région, me dira-t-on? La situation n'est pas plus brillante que dans certaines régions de Wallonie, et l'évolution a été semblable.

Prenons le cas de Fumay. Fumay a connu tout au début du siècle (1901-1902-?) un journal hebdomadaire en "patois", publié à Fumay: le "Què disse?". Diverses personnes y racontaient des blagues et anecdotes sous des pseudonymes. Fumay avant la deuxième guerre a aussi connu l'activité littéraire d'Auguste Saladin. Celui-ci écrivait des monologues qu'il publiait à compte d'auteur sur des feuillets et qu'il vendait chaque semaine à la sortie du théâtre. Lucien Coupaye a également écrit des textes en wallon, entre autres pour "la Dépêche de la Vallée de la Meuse".

Dans les années quarante le wallon était encore largement pratiqué à Fumay, "surtout dans les ardoisières" précise-t-on souvent, et chaque famille était affublée d'un sobriquet: les "Wagate", les "An-oui", les "Saniromi" (du dialecte de la Meuse "ça n'irot mie"; des anciens immigrants donc).

Peu de gens utilisent le terme "wallon" pour désigner leur patois, bien que souvent ils reconnaissent qu'il y ressemble fort et qu'ils peuvent comprendre plus ou moins les dialectes de Charleroi et de Namur. Mais ils disent alors: "c'est du belge !"

Lorsqu'on pose la question "Parle-t-on encore patois?" la première réaction est "oh, on ne le parle plus maintenant". Ensuite on cite souvent telle ou telle personne plus âgée, qui peut encore le parler, ou telle ou telle connaissance récemment décédée qui le parlait bien. Ensuite de donner de nombreux exemples de mots et de tournures en fumacien.

Lors d'une deuxième visite, on reconnaît alors l'employer souvent à la maison, sans s'en rendre compte. Lorsque des personnes plus jeunes (20-40 ans) affirment ne pas pouvoir parler patois, ils ne se rendent pas compte que des mots comme "darer", "odaule", "yauk" apparaissent dans leur conversation.

Fumay a longtemps profité d'une population assez fermée sur elle-même. Deux personnes que j'ai questionnées, un couple dans la septantaine, sont nées et ont toujours vécu à Fumay. Elles sont capables de traduire de façon assez précise en wallon la majorité des termes français qui leur sont proposés.

Il n'y a pas d'initiative prise pour la promotion du wallon, car, d'une part, ce dialecte n'occupe qu'une infime partie de territoire au sein des Ardennes; d'autre part, le wallon pourrait difficilement être abordé par les enseignants à l'école de Fumay étant donné que ceux-ci peuvent être originaires de tous les coins de France. Le dialecte souffre certainement de l'isolement dû aux frontières politiques. Il faudra songer à inclure cette région dans toute entreprise de promotion du wallon.

J'éprouve donc un certain plaisir à défendre ce wallon "oublié" en m'en servant dans mes écrits.

Cependant, malgré cette position "de repli" de ma part, j'estime qu'il est important de réfléchir à l'avenir du wallon. Il faut entre autre faire disparaître les préjugés qui existent encore et qui entravent toute discussion sérieuse. Il faut adopter une attitude positive et ne pas

considérer le wallon comme une langue morte à priori (ce qui est bizarrement le cas chez plusieurs personnes qui l'apprécient). Il faut aussi se poser la question "Quelle forme aura le wallon de demain?" Diverses solutions sont proposées, mais il est certain qu'il faudra aller dans le sens d'une homogénéisation du wallon, déjà en marche vu les mouvements de population plus fréquents que dans le passé.

Il faudra une structure permettant aux gens de s'exprimer en wallon s'ils le désirent avec plus de liberté qu'auparavant. L'écriture en wallon avait comme caractéristique de mettre en exergue les particularismes; la création littéraire allait main dans la main avec la dialectologie. Idéalement, le wallon doit passer de l'état d'objet d'étude (voire de bête curieuse), à celui de moyen de communication accepté dans notre société. Nous suivrions en ça l'exemple des pays voisins qui ont su tirer parti de leurs patrimoines culturels (occitan, breton, luxembourgeois, frison, gallois...).

La conscientisation du public: cela est, je pense, le but de ce livre. 


Ratournaedje è walon:

D' on walon a l' ôte.

Quand dj' esteve pus djonne , dji n' saveve ddja nen qui l' walon, c' esteve ene linwe. C' est quand dj' a stî evoye dins on payis å lon et qui dj' a veyu qu' on-z-î cåzeve di dialekes qui dji m' a dit: i m' chone qu' amon nozôtes, gn a yåk insi ossi. Justumint, dji tché su des scrijhaedjes è walon. Dji m' dåre dissu, et ataker a raprinde li walon. Di ces trevins la, la qui les Rèlîs Namurwès amantchet ene cåzriye su l' abbén Henin, in walon scrijheu.

Sbaré, qui dj' esteve, di vey qui l' walon, ça pleve yesse ene sacwè d' bea po mete dins des lîves !

Do côp, dj' esteve alondé, et sayî d' sicrire on boket è walon. Po cmincî, dji m' di: dji mel va scrire a l' môde di Djiblou, mi qui dmere a Djiblou. Come les djins des Rèlîs Namurwès estint foirt ecoradjantes, dji n' a jamwais leyi ouve. Mins dji m' dimandeve tot l' minme, quéne avance i gn aveve di scrire come a Djiblou, etindu qui m' mame et m' grand-mére m' avint apri des mots d' Fumwè et d' avårla.

Adon dj' a rescontré des ôtès djins, les cis qu' avint metu su pîd li Ranteule, li rfondu walon, et des cayets insi. Dj' a apri qu' i n' faleve nen trop s' jinner po comaxhî des mots qui vnint d' pattavå l' Waloniye. Mågré ça, dj' a yeu l' zine d' aprinde pår [exactement] li walon d' Fumwè. Dj' el sicrî co asteure.

Si les djins volet sawè si on cåze co walon do costé d' Djivet, d' Vireu, et d' Fumwè, dji respondreve çoula: ene miete come ôte påt, va. I gn a yeu dins l' tins des gazetes è walon, et des djins qui scrijhint è walon, et asteure c' est bramint des viyès djins qui l' cåzet co. Mins l' walon n' a nen co stî tapé ås riketes: i n' fårè nen rovî c' boket d' têre la quand on vôrè ralonder l' walon.

Ça m' plét ben di scrire li walon a l' môde di Fumwè, mins ça n' vout nen dire qu' i n' fåt nen sondjî a c' qui l' walon va divnu pus tård. A mn ideye, tos les walons si vont si ben comeler qu' i gn årè pus qu' ene sôte. Et ostant dmwin qui dins yût djoûs !

Çu qu' i nos fåt, c' e-st on walon po s' è siervu et nen po spepier dins les scoles come on fieve anawere. Rwaitoz dins les ôtes payis: zels, i n' ont nen yeu håsse [peur] di boudjî ene pate po disfinde leu deuzinme lingaedje. Pocwè nen amon nos-ôtes ?


Sul Téne à l' Briche.

Li nîve tchèyait fwème. I fjait ddja nût dispû lontimp, èt toute li famile si racrapotait ttåtoû del sitûve pou n' nén adjaler. On sintait l' vint rintrer pal craye di l' uch, èt on vèyait påzès finésses kè l' coupate du tchane asto del mwéja hossait d' in costé èt d' l' ôte. C' astait l' vint-cwate di Jonvier.

Nèlu n' årait swèdjî a sôrti télmint k' i fjait freud, mais m' mononke Adlin avait l' ér di s' apwèti a nn aler a l' uch, djustèmint. Il avait mis a ses pîs ses pus tchôdès guètes èt il avait distchindu du layôt in gros spès paltot. Mi mére lî avait fwét in bidon d' cafè, èt co in pus ptit avè del goute, come rawète. Dji m' dijai, mais cwèsk' i va fwére dèwôrs å fin miton del nût? Èt dji rwétais pou vèy cwè, mais c' n' astait nén co l' bwè momint pou lû, a m' idéye; i n' boudjait nén co di s' chame.

- Ayuski vz alouz, don, mononke?

- Les djonnes n' ont nén a stitchî leus muzés dins les aféres des pus gronds.

C' est k' i n' avait nén l' ér di rîre, la, l' mononke ! Bén sûr, du côp k' i m' avait dit ça, ça fjait ene réjon d' pus pou mi sawè cwèsk' il alait fwére. Ça m' chôpiyait co dpus, vormint. Swèdjouz î: c' astait mi l' pus viè des cièk èfonts del mwéja, tout l' minme ! Dj' astais cåzu d' vènu yink des "gronds". Adon, sin pus moufter, dj' é dmèré la pou vèy çou k' s' alait passer.

I gn è riè yu. Tanawète, mi mononke s' ènn alait vèy pal finésse, souspirait in bwè côp a vèyont les waléyes di nîve ki tchèyint, chåchotéyes på vint, èt rvinait s' achîde a tåve. I m' chonait ki c' n' astait nén l' prèmî côp ki dj' èl vèyai insi ene nût d' ivér... Oyi: dji m' souviè asteure: i fjait çoula chake anéye ! Djè l' wè co, l' on passé, k' il avait stî ké s' gros paltot, come ådjourdju...

Il astait ddja tård, èt m' mononke n' avait nén fwét mine d' ènn aler. Kékes côps k' i ratèdait k' no mére nos uche avoyî coutchî, pou fwére a s' idéye. Nom di nom ! I falait pourtont ki dj' suche cwè !

Vèla: dji m' è dotai. On dvait aler dôrmi, èt m' mononke n' avait ddja nén mis s' tchapé su s' tésse ! Dji maronai. Tout d' chûte dj' é swèdjî ki dji dwèrai tout l' minme sayî d' fwére kéttchôze. Dj' avai mi ptite idéye. Al place di m' disbî, dj' é mis mes pus tchôdès foufes. Mes ptits fréres vèyint bén k' i gn avait yåk, mais djè lz é manecî di prinde leus tchikes, èt i n' ont pus drouvu leus betchs.

Padrî l' uch del tchombe, dji choûtai çk' i s' passait didin l' mwéja. Bénrâde, i sokyin tourtous din l' tchombe, èt dj' é yu du må a n' nén tchèy adôrmu miminme. Al difin, dj' é oyu m' mére ki montait coutchî leye ossi. Mi mononke dimèrait tout seu al valéye. Cond m' mére è yu tout fwét di rmachî dins s' tchombe, i gn avait pupwèt d' brût.

L' mononke n' astait nén èvoye, tout l' minme? Dj' årai oyu rclaper l' uch... A ! Tout alait bè: dj' atindai k' on boudjait l' chame. Mais ça n' astait nén co ça: il avait risti al finésse, dondjreus. K' il èvaye, insi ! Dji n' alai nén passer l' nût achîd asto d' l' uch.

La co in brût d' chame k' on boudje. On route... On disclitche l' uch ! Ça î astait ! Dji m' sintai tout achåré. Bâm ! On rsère l' uch. Asteure, dji m' dèvai dispétchî. Avè des maniéres di voleur, dji saye di distchinde li montéye d' ègrés sins pwèt fwére di brût. Ouyouy ! Li bo n' è nén monké d' crîner cond i n' falait nén. Co ene tchonce ki dj' avai rosté mes solés. Al valéye i fwét co pus nwâr ki dins l' trô-pèyå du diâle. Dj' é dvu sinte mi tchmin, a fjont bén atincion di n' mi nén ramôyi a-z arokont su in tchinisse; pinsouz bén, l' brût k' ça fwérait padzeu l' martchî ! Tout è bén stî: dji n' é ravèyî nèlu. Piam piam, dji droûve l' uch. Ôla ! Gn è l' vint ki tchèsse des waléyes di nîve dins l' bale place. Vårait miè n' nén lèyi l' uch å lådje trop lontimp. Abiye !

Vè m' la a l' uch asteure. Dji su chapé pou l' momint; c' est cond dji rvérè ki c' sèrè co brâmint d' pléji pou rintrer sins k' nèlu n' suche cwè. Mais Mâria Dèyi k' i fwét freud ! Èt ké vint agnont ! Co in pô, dj' årai rintré vitmint pou m' mète o bwèzè tchôd. C' e-st adon ki dj' é vu les traces ki m' mononke avait lèyi dins l' nîve, èt k' alin bénrâde esse rèfacéyes pal nîve ki tchèyait co. Alons ! Courâdje !

Sin les traces, djè n' l' årai jamwé pus rtrové, pask' avè l' nîve èt l' nwâr del nût, on n' vèyait nén fôrt lon padvont lû. Il avait l' ér d' èsse pårti du costé du Téne al Briche, wôrs du vilâdje. Kène drole d' idéye ! Cwèsk' i plait bén aler fwére avårla?

C' astait bén ça: i gripait l' Téne al Briche. Asteure dj' astai près assez pou l' vèy padvont mi. Pôrait vali k' i n' si rtoûne nén ! Dji n' årai ptète nén l' timp d' plonker din in buchon. A costé d' ça, dji n' astai wére a m' éje, mi, cåzu tout seu din l' nwâre nût !

La ! Cwè 's don ça pou yåk? Dji m' tape a têre, fin sbaré d' vèy kéttchôze di nwâr router nén lon. Dji rwéte, atout lèvont m' nez wôrs del nîve: c' astait èn ame; la k' i passe tout près. I n' tådje nén, c' est k' i n' m' è nén vu. Mais... I m' chone ki dj' el conè, mi, çt ame la ! I gn è k' yink ki route insi: li châlé Zîré ! Lû ossi, i s' pourmwinne å fin miton del nût ? Dji ratind k' i fuche pus lon pou m' rimète su pî. Du côp, dj' é pérdu m' mononke dins li spècheu. C' est riè, dji chûrè l' Zîré: ci srait bén l' diâle s' i n' vont nén a l' minme place.

Albouneure ! Dji su tout frèch su li dvont, asteure, d' awè stî ståré dins l' nîve. Si dji n' é nén in matchré dmwin, dji pôrè dîre ki dj' é del tchonce.

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Li Téne al Briche, c' astait l' pus yôt téne avårci. Dal coupate du téne, on plait vèy jusk' a bén lon. Ça montait minme assez reud, èt avè l' nîve su les rotches, on ridait tout l' timp èt c' astait maléjî. I m' chonait k' si m' Mononke èt l' Zîré avint pris les pwinnes di griper a l' coupate du téne, ci n' astait nén pou passer oute èt rdistchinde tout d' chûte. Dji swèdjai k' il î dvait awè ene sôte di raploû, layôt, avè m' mononke èt l' Zîré. Dabôr, i n' falait nén ki dj' arive bésmint å miton d' zés.

Ça fwét ki, dvont d' ariver al coupate, dji léye la l' pîssinte pou m' aler catchî dins les buchons k' i gn avait, èt dèd la, griper les dèrnîs mètes al sicapète, a rotont su mes mwins èt mes pîs.

Pou fini, vè m' la a ene place comufå pou plu beuker çou ki s' passe. Il astint cwate, drola: mi mononke, li châlé Zîré, li ptit Tor k' on rcounichait a s' grond tchapé, èt co èn ôte ki dji n' savai rmète. Èvla in raploû d' viès racôrnus ! Dji drouvai mes ouys å pus grond pou vèy toutafwét !

- Ê la, valèt, ké nouvales?

On vnait d' m' apougnî pa l' hanète ! Dj' é monké d' pichî dins m' culote. D' in côp, vè m' la rtapé su pî, solvé come in minon pa s' mére.

- T' ès nén co coutchî, asteure?, djait i l' gros Djôzef a bolont des ouys teribes. Il avait arivé padrî mi, ki dji n' èl avai nén vu.

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Tronnant come ene feuye, dji dmèrai moya. Li Djôzef m' è satchî al trèvåtchiye des buchons, èt m' moustrer ås ôtes. Cond i m' è yu rmis, mi mononke è stî mwé. I m' è disputé tout in momint, a m' dimondont cwèski dji fjai drola. Dji rèspondai ki dj' volai jusse sawè ayusk' il alait. Pou fini, i s' è raspwéjî, èt come i n' volait nén m' ravoyî tout seu a l' mwéja, i m' è dit ki dj' polai dmèré avè zés.

- Mais n' fuche nén hodåle, ôtrumint t' årès ene bèle rindjiye di clapes su t' gonèle, séss, valet !

Dji m' alai tni ratna.

Dabôr, i gn avait la mi mononke, li Zîré, l' Djôzef, li Tor, èt co l' Gusse. Tous les pus viès du vilâdje. Cwèsk' i fjint la, m' ètone? I rwétint tout åtoû d' zés, èt co choûter, sèrieus come des papes. Pourtont, gn avait riè a vèy, dins l' nût, èt co mwinse a choûter. I gn avait k' in tèribe vint ki hoûlait, ki s ' dârait d' in costé èt d' l' ôte, ki tourbiyait.

Mes ames ni boudjint nén. I rwétint, i choûtint. Ça m' chonait fôrt drole. Dji n' volai nén ramasser l' tatouye, mais dji trovai tout l' minme k' on m' pôrait dîre cwè. Fronc come in tigneu, dji m' é stompé padvont m' mononke, èt ratède k' i m' wéye.

Tout l' minme i bache ses ouys èt m' vèy la tout anoyeu. I bèrziye in momint, pis i comprind çki dj' vès. I m' chuchèle:

- Choûte bén, la, valèt, çou ki dji m' tè va dîre, c' est nén des crakes, séss, c' est nén des couyonâdes; i fårè sawè tni t' linwe ! - Oyi ! Oyi ! Dji n' dîrè riè, dj' èl promès ! (di dju mi tout binéje k' on véye bén m' dire çou ki s' passe.)

- Choûte bén, dabôr. C' nût ciâl, c' n' est nén ene nût come les ôtes. C' e-st adon k' les cwate vints du monde si batat inte zés, èt l' cé ki guingnrè, c' est l' cé ki frè l' timp l' anéye ki vièt.

Dj' é stî paf. Dji n' årai jamwé swèdjî a ene afére insi. Les vints ki s' batat ! Èt mes ames ki rwétint - ou choûtint? - ! Dji n' astai pus wére a m' éje, dji rwétai toutåtoû d' mi, come pou vèy si dji n' polai må d' prinde ene bègne su m' gonèle. Mais dji m' dijai k' i n' dwèvait pwèt awè d' dindjî.

Dj' é rwétî les ôtes. Il avint l' ér di vèy, di plu comprinde, èt dj' ènn avai avont [j'étais désespéré] di dmèrer aveule a tout ça. Pus tård, kékcô, cond dji srè pus grond...

On-z è dmèré la ene boune boutchiye, a s' ritchåfont tanawète avè ene gôrdjiye di tchôd cafè ou minme ene pitite goute. Cond nos avons distchindu l' téne, il avint l' ér disbwétchîs.

- Cwèski n' va nén, don, mononke?

- Mwéje anéye, mi fi...

******************* Dj' é distchindu l' gros spès paltot ki m' mononke mètait, èt co mes chnoûbotes. Mes fréres mi rwétat di crasse. Bamwé, i s' dimondat l' minme tchôze ki mi i gn è cièk ons did ciâl. I n' tchét pwèt d' nîve, mais l' bîje choufèle.

- Tènouz, m' fi. N' alouz nén tchèy malade, savouz.

C' è-st-a mi ådjourdu ki m' mére dène li bidon d' cafè. Èle n' è nén boune mine. I fåt dîre ki dpus cièk ons, il è fwét fôrt sètch, èt k' asteure on moûrt cåzumint d' fwin. Dalieur, mi mononke est môrt i gn è ene pwére di smwinnes. C' est mi ki dwérè aler a s' place, atindu k' i n' avait pwèt d' fi èt ki dj' su l' pus viè d' ses nèveus. On-z è arindjî les aféres insi å vilâdje dispû toudi. Co ene tchonce ki m' mononke m' è moustré comint fwére.

Dji ratind mayenût. Adon dj' m' nîrè wétî d' comprinde les vints, èt vèy ké vint srè l' pus fôrt ci côp ciâl. Pôrait vali ki çtila nos ramwinne li pleuve.


Djan Franswès Bracman Accent de Fumay: ici, nous avons conservé les sons ON typiques (èn on, dvont, miton, tchonce) (èn an, dvant, mitan, tchance); Les bén et les nén sont dénasalisés à Fumay: , .